Les adolescents sont convaincus de bien maîtriser les messages qu’ils reçoivent des médias sociaux. S’il s’agit de simples mises en scène ou de publicités, ils savent le reconnaître disent-ils. Leur utilisation d’Instagram, par contre, fait dire aux chercheurs qu’il en est autrement.
Que ce soit un placement de produit ou de service, la présence des marques sur les médias sociaux représenterait jusqu’à 2,4 milliards de dollars américains d’ici 2019. C’est ce qu’affirme l’étudiante à la maîtrise en communication de la santé à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Camille Trudelle. Cette dernière a mené une petite recherche sur la populaire application de partage d’images Instagram, où elle a analysé une cinquantaine de publications de placement de produits alimentaires en plus de conduire quelques entrevues avec des abonnées quant à leur perception de ces publicités.
Selon l’étudiante, qui présentait ses résultats lors du congrès de l’Acfas la semaine dernière, le profil type de l’utilisateur d’Instagram intéressé par l’alimentation est une jeune femme avec un niveau de scolarité élevé. Toutes affirmaient se méfier des multinationales et des publicités trop évidentes. La majorité d’entre elles estimaient ne pas se laisser influencer par la publicité sur les réseaux sociaux.
Or, le problème souligné par Mme Trudelle est celui des influenceurs: ce sont des utilisateurs actifs des médias sociaux, qui gagnent leur vie en attirant le plus d’abonnés possible pour ensuite leur vendre un bien… et qui ne font pas toujours mention qu’ils sont commandités. L’étudiante à la maîtrise explique que dans seulement 24 % des cas, les publications de nature publicitaire mentionnaient qu’il y avait rétribution. Les compagnies l’ont bien compris et font appel à des gens qui ont déjà un important bassin d’abonnés, avec lesquels un lien de confiance existe déjà.
Les utilisateurs d’Instagram sondés se disent convaincus de leur capacité à faire la distinction. La chercheuse se demande si ce n’est pas plutôt un type de publicité encore plus insidieux parce qu’il donne l’impression au consommateur d’être en contrôle. « Si la validité des informations que les gens reçoivent est teintée par la publicité, il y a un danger. »
Encouragement à la consommation
La chercheuse au Centre de recherche sur la communication et la santé (ComSanté) de l’UQAM, Monique Caron-Bouchard, s’intéresse également à Instagram et à son influence sur les habitudes de ses jeunes utilisateurs. Une étude qu’elle a menée sur 300 comptes d’adolescents de 16 à 18 ans lui a permis d’analyser des milliers de photos et de mot clics.
Elle a pu observer une tendance importante des jeunes à se mettre en scène avec la nourriture. Seulement 14 % se montraient en train de cuisiner. Les plats étaient souvent présentés dans des couverts jetables. La chercheuse en conclut que les jeunes montrent davantage la consommation : « c’est la société spectacle où tout doit être un événement, dit Mme Caron-Bouchard. Les jeunes cherchent à vivre une expérience hors du commun lorsqu’ils mangent. » L’alcool était également présent dans plusieurs cas, ce qui accentue l’image de plaisir et de rassemblement autour d’un repas.
Ironiquement, les mots clics récurrents associés aux publications étaient souvent en rapport à la santé et à une bonne hygiène de vie. L’apparence physique et la mise en forme dominaient les mentions se retrouvant dans les publications.