Arts visuels, arts plastiques, métiers d’art… mais, quand est-il des beaux-arts? L’artiste Mélissa Breault a ouvert sa propre école pour enseigner les techniques du XIXe siècle qui ont fait la grandeur de la représentation visuelle.
En entrevue dans son nouveau studio situé dans la Petite-Bourgogne à Montréal, elle transmet son acharnement à vivre pour sa passion.
Le déménagement souligne-t-il un nouveau départ ?
L’immeuble date de 1894, c’est inscrit sur la façade. C’était une Banque de Montréal. Le coffre-fort est dans l’entrée du café en bas. L’immeuble a été bien entretenu, il a une histoire, une belle atmosphère. Mes élèves m’ont suivi du quartier Villeray jusqu’à ici. La semaine passée, quand ils sont arrivés, ils trouvaient ça « épique ». La porte est tellement pesante ! On se croirait dans une église avec les escaliers en bois, la rampe travaillée… le souci du détail, tu vois !?
Quel est votre parcours académique?
Depuis que je suis enfant, je dédie ma vie aux beaux-arts. Je ne sais pas si c’est parce que je suis patiente ou que j’ai un mode de vie plus lent, je n’ai jamais eu de difficultés à me concentrer sur l’apprentissage d’un savoir-faire à long terme. J’ai fait mon secondaire en Arts plastiques-études, puis j’ai fais mon cégep en Arts plastiques. En parallèle, je suivais des cours à Mission Renaissance, une école privée sur la rue Saint-Denis en face du Carré Saint-Louis. Deux professeurs qui avaient étudié à Los Angeles avec des maîtres des beaux-arts sont revenus à Montréal pour ouvrir leur studio en 1981. Ils m’ont enseigné les bases pendant 12 ans et ils m’ont entrainé en tant que professeure. J’y suis devenue la directrice du programme pour enfants.
Quand avez-vous décidé d’ouvrir votre école?
J’ai continué mon cégep en parallèle, que je n’ai pas terminé parce que ce n’était pas ce que je voulais apprendre, des trucs modernes. Je n’aimais pas non plus le parcours de chacun de mes professeurs. Je leur demandais de me montrer ce qu’ils faisaient comme art, ça ne m’inspirait pas. C’était du moderne, abstrait. Moi, je voulais aller dans le réalisme classique. Il ne me restait qu’une session pour compléter mon DEC et j’ai tout lâché pour enseigner à temps plein à mon école privée. Mais, cette formation n’est pas reconnue par le ministère de l’Éducation, je ne peux pas enseigner dans les écoles publiques. C’est pourquoi j’ai ouvert ma propre école.
La formation officielle est-elle incomplète ?
Ce que j’ai aimé de mes cours au secondaire et au cégep, c’est qu’on touchait à tous les matériaux pour explorer et décider par la suite dans quoi on va se spécialiser. Auparavant, ce sont les enseignements classiques du XIXe siècle qui prévalaient, avant de changer le programme au début des années 1980. Pourtant, dans la musique c’est resté classique. Quand tu apprends le piano, tu apprends les gammes, la même technique qu’autrefois. Puis les sons, on les reconnait quand ils sont justes, on reconnait quand c’est une belle mélodie. Puis, on reconnait quand ça détonne, quand ça choque, quand il y a une fausse note.
Ce n’est plus le cas pour les arts visuels ?
Quand il s’agit de tableaux qui ne sont basés sur aucune règle, que l’artiste ne connaît pas la théorie des couleurs par exemple, on l’apprécie parce qu’on nous a appris à apprécier ce qui est laid. Il n’y a plus le souci du détail, il faut que ça soit rapide ! Prendre un crayon et apprendre à bien le faire à la main, ce n’est plus valorisé. Ce n’est plus notre siècle.
Vous êtes en marge?
Quand vient le temps de postuler pour des bourses, auprès du Conseil des Arts du Canada par exemple, ils regardent ton profil puis ils ne te trouvent pas innovateur, tu n’es pas choquant, tu ne révolutionnes pas le monde. Au Canada, l’enseignement classique est peu connu parce qu’absent des écoles. Il y a une communauté qui se forme de bouche à oreille, et par les médias sociaux. En Italie, il y a de très bonnes écoles… même à New York ! Aux États-Unis, il y a de tout. Je fais partie d’un groupe de pastellistes, la Société de Pastel de l’est du Canada (PSEC), qui organise deux expositions par année. C’est une compétition avec des prix. Les tableaux sont à vendre.
Vous enseignez le pastel?
Je me spécialise en pastel sec, mais j’ai appris et j’enseigne l’huile, l’aquarelle et le fusain. Ce pastel-là (elle désigne un tableau sur un chevalet) est en processus, il n’est pas fini encore. Il faut mettre une couleur partout à la base pour que les éléments restent toujours en contact avec l’ensemble de la composition. On travaille par cycle, comme quand tu fais un jardin. Tu laboures ta terre partout, tu plantes toutes tes graines et ça pousse tout en même temps. Tu circules toujours sur ton tableau parce que chaque décision que tu prends va influencer l’ensemble. Les couleurs contrastent les unes par rapport aux autres.
À mesure d’appliquer du pastel, est-ce que ça s’épaissit?
Non, ce n’est pas plus épais à la fin. Quand tu mets du pigment sur une autre couche, ça se mélange. Au secondaire ou au cégep, on ne travaillait ni avec de bons pastels, ni avec un bon papier, alors ça n’accrochait pas, ça faisait juste de la poudre qui tombe. Ça fait sale.
Qu’est-ce que l’art?
C’est un langage, une manière de s’exprimer. Quelque chose d’essentiel que tu ressens et que tu as besoin de faire, et tu le fais. Il n’y a pas de mauvaise réponse. Ce que je trouve dommage c’est que certains arts soient moins acceptés que d’autres.
Y’a-t-il des beaux-arts canadiens, américains, européens…?
Je ne dirais pas que le style soit différent d’un pays à l’autre, mais l’environnement nous influence en tant qu’artiste par le choix des sujets. J’ai habité dans l’Ouest canadien pendant trois ans, là-bas je faisais juste du paysage.
Pour rejoindre l’artiste Mélissa Breault: http://www.melissabreault.ca/wp/