La proportion de francophones inscrits au cégep anglais a connu une augmentation deux fois plus rapide en cinq ans qu’au cours des 25 années précédentes, rapporte l’analyste politique Michel David dans Le Devoir du 2 mai. Le chroniqueur du webzine Reykjavik Grapevine, Halldór Armand propose une explication à ce problème d’acculturation qui affecte également les jeunes Islandais.
Dans son rapport intitulé Osez repenser le PQ, Paul St-Pierre Plamondon constate que les jeunes francophones ont un rapport à l’anglais différent de celui des baby-boomers et qu’ils ne ressentent aucun sentiment d’injustice ou d’infériorité, comme cela avait été le cas des générations précédentes. C’est plutôt leur interdire l’accès au cégep anglophone qui risquerait de leur apparaître comme une injustice, rapporte l’analyste politique Michel David. Dans le webzine Reykjavik Grapevine du 5 mai, le chroniqueur Halldór Armand ancre plutôt cette tendance à idéaliser la culture de langue anglaise dans le contexte de la jeune génération.
Isolement nordique
Est-ce que la mondialisation essaye de tuer notre langue? Est-ce que Facebook et les autres gardiens du futur essayent ne nous forcer graduellement et d’autres peuples comme le nôtre d’employer l’anglais parce que c’est plus pratique pour eux de conduire leur contrôle global de cette façon ? Ou, est-ce qu’ils vont finir par voir clair et nous aider?
C’est vrai que vous entendez l’anglais partout ces jours-ci et oui, même des lèvres des Islandais. Est-ce à cause des téléphones intelligents? Le manque de sous-titres adéquats sur Netflix? Les médias nous disent que nous avons besoin d’un milliard de couronnes islandaises (monnaie nationale) pour propulser notre langue ancienne dans le domaine numérique. Est-ce que cela sauverait notre langue? Vraiment? Est-ce que le problème est que l’application Siri pense que je cherche un « pussy store » quand je suis en train de chercher sur le moniteur de recherche Google « Passíusálmarnir »? Une collection épique d’hymnes racontant l’histoire et les douleurs et souffrances de Dieu et de Jésus, enchaîne le chroniqueur Halldór Armand.
Certains ont suggéré que le problème se situe à un niveau plus profond, c’est-à-dire d’apprendre à parler un bon anglais à un jeune âge. Ce qu’on pourrait appeler la « Seinfeldisation » (en référence à la série télévisée américaine Seinfeld) de la conscience. Ça serait intéressant de consulter des recherches qui comparent le nombre d’Islandais qui ont vu les épisodes de Seinfeld avec le nombre qui ont déjà lu un livre de l’écrivain islandais Halldór Laxness. Les générations d’aujourd’hui sont beaucoup plus familière avec ce qu’on pourrait appeler naïvement « Free World Pop Culture » qu’avec leur propre peu excitant héritage culturel de fermes en boue, de nourriture repoussante et d’histoires de gens pauvres, poursuit Halldór Armand.
Toutes leurs références, toutes leurs idées et leur sens de l’humour proviennent de « FWPC », et c’est pourquoi leur usage de l’anglais pour communiquer va en augmentant. Ce n’est pas qu’ils ne savent pas ou qu’ils ne peuvent pas parler islandais ou encore, que leur téléphone intelligent les manipule en ne leur offrant que l’anglais, mais parce que leur univers peut seulement évoluer, du moins pleinement évoluer, par l’expression anglaise. L’emploi fréquent du mot « actually » est un bon exemple puisque ce terme n’a rien à voir avec l’islandais parlé.
Évidemment, c’est une tendance répandue. Nous vivons dans un monde qui rejette l’isolement, un ingrédient nécessaire à tout ce qu’on qualifie de « local ». Ce terme est en train de disparaître, c’est pourquoi ça figurait comme tendance en marketing pendant des années. Probablement que l’Islandais va bientôt figurer sur la liste des espèces en voie d’extinction, conclut le chroniqueur Halldór Armand, dans la catégorie « langue ». Ou, non.
Populisme contagieux
Après les malheureux dérapages auxquels le débat sur la charte de la laïcité a donné lieu, le rapport Plamondon recommande de « redéfinir le nationalisme pour l’éloigner du populisme et de l’intolérance parfois associés au nationalisme traditionnel », mais la préservation de l’identité québécoise n’en demeure pas moins l’essentiel du projet souverainiste, rapporte l’analyste politique Michel David. N’est-ce pas étrange de proscrire le populisme du nationalisme plutôt que de préserver l’identité québécoise? Au Danemark, le concept de « danité » ou d’identité danoise défini par le philosophe Søren Kierkegaard au XIXe siècle s’est développé en réaction à la montée en puissance de l’Allemagne.
À l’époque, la puissance germanique avait développé l’idéalisme allemand, un courant philosophique incluant une ribambelle de philosophes abordés dans les deux cours obligatoires de philosophie des cégeps francophones. D’ailleurs l’œuvre de Søren Kierkegaard est considérée comme étant la première forme de l’existentialisme, une pensée aussi enseignée dans les cégeps francophones dans les cours de littérature française via le philosophe Jean-Paul Sartre, ainsi que le féminisme de la philosophe Simone de Beauvoir.
Pour M. Paul St-Pierre Plamondon qui a participé à une mission d’exploration du modèle suédois, les cours d’humanité et de littérature anglaise enseignés dans les cégeps anglophones sont équivalents.