Qu’en serait-il advenu de l’Amérique si Jack Kerouac, la Beat Generation et le mouvement de la contre-culture n’avaient pas remis en cause la superpuissance grandissante des États-Unis? Personne ne peut vraiment répondre à cette question, mais la réédition de films permet de mieux saisir cette époque de grands bouleversements sociaux.
Les Films Criterion ont réédité deux courts-métrages d’Agnès Varda tournés en banlieue de la ville de San Francisco non loin de l’Université Berkeley, foyer des « hippies ». À la recherche d’un membre de sa famille d’origine grecque, la cinéaste se rend à Sausalito dans Uncle Yanco (1967).
Au nord du fameux Golden Gate Bridge rougeâtre, la route en serpentin où les arbres forment des arches au-dessus de nos têtes nous mène à cette banlieue au bord de la baie. Au moment où la cinéaste a tourné son film, les « hippies » avaient aménagé les lieux de maisons flottantes aux architectures bizarroïdes. Le résultat se situe quelque part entre le quartier Venice à Los Angeles et le « road movie » Easy Rider (1969).
Agnès Varda transpose brillamment à l’écran le mode d’expression de son « oncle » artiste visuel avec lequel elle trace son arbre généalogique, par exemple. La réalisation est imprégnée du « collage » que ce soit visuellement par l’emploi entre autres d’acétates colorés ou par l’amalgame de citations de l’artiste au gré du vent. Des paroles qui se confirment par le microcosme qui l’entoure où « la mer, c’est l’amour ».
À la suite de l’emprisonnement du cofondateur des Black Panthers, Huey P. Newton, la cinéaste se rend à Oakland pour filmer les rassemblements de ces activistes pour le faire libérer et les interviewer sur leur organisation dans Black Panthers (1968). Les deux courts-métrages ont été jumelés sur le même DVD.
Une guerre en long et en large
Les Films Criterion a également réédité le documentaire Hearts and Minds (1974) de Peter Davis, dans lequel il traite de la guerre du Viêt Nam de 1955 à 1975. Si Stanley Kubrick avait muni son héros du titre de reporter de guerre dans Full Metal Jacket (1987) et que Francis Ford Coppola a exploré la transcendance psychédélique des soldats dans Apocalypse Now (1979), Peter Davis emploie plutôt une continuité dans l’enchaînement des témoignages qui rend la gravité de cette guerre sans les artifices de la fiction.
N’empêche que ce traitement plus sobre ne discrédite pas les expérimentations des deux cinéastes. On n’a qu’à penser au diptyque de Stanley Kubrick entre l’ici et l’ailleurs et à la référence de Francis Ford Coppola au roman Heart of Darkness (1899) de Joseph Conrad sur le colonialisme en Afrique. Le fait d’avoir le visionnement de ces chefs-d’œuvre derrière notre cravate de cinéphile aiguise notre attention lors du visionnement du documentaire.
À la suite de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement américain se prépare à assumer son rôle de superpuissance dont faire la guerre à son homologue communiste. Ayant lutté contre l’invasion chinoise et venant tout juste de chasser les colonisateurs français, les Vietnamiens deviennent à nouveau la cible d’une puissance dans l’ère de la guerre froide.
Le documentariste nous montre les deux côtés de la médaille sans ménager les multiples facettes de l’endoctrinement et les visées capitalistes de cette opération. Un tour d’horizon clair et concis qui n’épargne pas les détails douloureux de cette tragédie.
Une espionne atypique
Finding Vivian Maier (2013) est un portrait fascinant d’une grande photographe qui a vécu dans l’oubli. Ses images du calibre de celles des grands noms de la photographie traduisent des scènes de rues dans toute leur authenticité.
Un habitué des marchés aux puces, John Maloof, achète une boîte contenant des photographies anciennes. Il fait des recherches pour identifier la photographe, sans succès. Il déclenche un engouement pour ces images en les mettant sur le média social Flickr. Avec ses propres moyens, il organise une exposition à Chicago.
Vivian Maier, née à New York, mais dont la famille est originaire d’un petit village en France, qui était-elle ? John Maloof interviewe les gens qui ont connu cette femme très discrète. Elle a été la nourrice de plusieurs familles, un travail qui lui procurait un toit et qui lui laissait beaucoup de temps pour photographier. Cette femme qui ne jetait rien se tenait au courant de l’actualité tout en cherchant des scènes étranges à poser. Appareil au cou, elle a également beaucoup voyagé.
Ce portrait n’est pas qu’édifiant, le documentariste relate le côté sombre de la personnalité de cette femme seule. On ne peut pas nier l’empathie exceptionnelle qu’elle avait envers les gens de la rue pour installer ce rapport de proximité avec eux. Puis, cette artiste a passé sa vie derrière la caméra pour léguer à la postérité une quantité considérable de photographies dignes d’un espace dans un musée.
À louer dans un club vidéo près de chez vous…