Explorer l’exposition Mondes et merveilles : le voyage surréaliste d’Alan Glass, au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM), c’est un peu comme entrer dans un univers où le chaos côtoie le contrôle.
C’est aussi, à l’aide d’une centaine oeuvres de toutes sortes, découvrir la vie et les créations d’un homme qui semble avoir vu et vécu bien des choses. Né à Montréal, durant la Grande Dépression, puis parti à Paris pour étudier l’art, quelques années seulement après la fin de la guerre, Glass passera les décennies suivantes à Mexico, capitale bouillonnante et certainement joyeusement bordélique à l’occasion. Mort en 2023, l’artiste a ici droit à une toute première exposition individuelle en sol canadien.
Chaos et contrôle, donc, car ce que l’on découvre, une fois que l’on a franchi les portes du musée, c’est une expérience en trois temps. Et ce tryptique, qui correspond à la fois à des périodes de la vie de l’artiste, mais aussi à des façons de faire, des méthodes de création, se décline en différentes réalités, si l’on veut. Du dessin aux objets trouvés, en passant par un parcours plus spirituel, oeuvres picturales à l’appui, pour terminer avec de gigantesques et fascinantes boîtes remplies d’articles réunis selon des thèmes bien précis, Glass étonne, détonne, ébranle nos certitudes.

On pourrait presque penser, d’ailleurs, que tout cela a un côté un peu enfantin, à l’instar de ces amoncellements de trucs, bidules et autres colifichets collectionnés par les plus jeunes d’entre nous. Or, la réalité est tout autre: plus l’on scrute ces créations, plus l’on observe ces objets soigneusement recueillis, conjugués, colorés, agrémentés de décorations et d’accessoires, plus l’on pénètre dans l’imagination de l’artiste.
Ce monde est à la fois surchargé et simple, à la fois violemment perturbateur et capable de nous calmer. Comme si, à travers l’au-delà, Alan Glass nous tendait la main pour venir visiter sa maison de Mexico. Là où, semble-t-il, même la salle de bain était remplie d’objets.
Lors du vernissage, mardi, Elisabeth Otto, conservatrice adjointe de l’art québécois et canadien au MBAM, a d’ailleurs expliqué que le choix des oeuvres à exposer s’est effectué en collaboration avec le Museo del Palacio de Bellas Artes, à Mexico, d’où provient d’ailleurs la majorité des oeuvres présentées ici.
« Ce sont des oeuvres qui se rassemblent autour des thèmes [de l’exposition], comme le voyage: on commence ainsi à Paris, dans les années 1950, avec une série d’oeuvres qui sont importantes, car il s’agit des mêmes oeuvres qui ont été mises de l’avant par André Breton, le cofondateur du surréalisme », a-t-elle indiqué.
« Il s’agit de dessins automatiques, qui forment la fondation de l’oeuvre » de Glass, a poursuivi Mme Otto.
« Ensuite, le deuxième grand sujet, ce sont les amitiés. On a ainsi une sélection de boîtes, contenant des objets, qui sont liées à des amis très proches. »
Toujours selon Mme Otto, ses collègues co-commissaires et elle-même ont choisi de mettre de l’avant des oeuvres surréalistes, mouvement auquel s’est d’abord identifié Alan Glass.
Et ces boîtes d’objets finement travaillées couvrent une période de la vie de l’artiste qui s’étendra sur plusieurs décennies. Jusqu’à quelques semaines avant sa mort, en fait.

Voilà par ailleurs plusieurs décennies que le MBAM possède une dizaine d’oeuvres de M. Glass, oeuvres qui n’avaient, jusqu’à présent, jamais quitté les réserves de l’institution. Pourquoi? Selon Mme Otto, les raisons sont multiples. Tout d’abord, intégrer ces créations en papier au sein de la collection permanente, aux côtés des plasticiens des années 1960 et 1970, n’aurait pas « cadré » avec les thèmes de l’époque, juge-t-elle.
Ensuite, puisque ces oeuvres sont fragiles, les exposer à la lumière constante et aux autres impondérables des salles d’exposition aurait contribué à leur dégradation.
Ceci explique cela: environ deux ans après son décès, voilà qu’Alan Glass, Montréalais d’origine, Mexicain d’adoption, a finalement droit à sa propre exposition dans une institution muséale d’ici. L’occasion de découvrir le monde saisissant d’un artiste à la vision éclatée, plurielle, fascinante.