Au cours des 50 derniers jours, le NIH, l’un des plus gros organismes subventionnaires au monde, a mis fin à 800 projets de recherche au gré de directives politiques et de mots-clefs interdits. Quels sont les secteurs les plus touchés et peut-on y voir un aperçu des années à venir? La revue Nature a tenté une analyse.
D’emblée, l’analyse ne couvre pas l’ensemble de la recherche scientifique, puisqu’un autre organisme subventionnaire, la National Science Foundation, est sujette aux mêmes directives de la nouvelle administration Trump. Mais le NIH (National Institutes of Health), parce qu’il couvre tout le secteur de la santé, et même une grosse partie des sciences de la vie, donne déjà une bonne idée des chercheurs qui doivent se sentir menacés par le nouveau gouvernement.
Ainsi, 28,7% des subventions annulées sont liées au virus VIH ou au sida; 24% sont reliées à la santé des personnes trans; 17% à la COVID; et 3% au climat.
- Tout chercheur qui travaille sur des sujets liés aux communautés LGBTQ ou aux transgenres, qu’il s’agisse de santé ou de sciences sociales, a donc des raisons de s’inquiéter : depuis deux mois, dès qu’ont commencé à circuler des mots-clefs susceptibles de faire disparaître des demandes de subventions, ces sujets étaient en haut des listes.
- Quant au VIH et au sida, l’analyse de Nature conclut que la recherche va souffrir du fait que cette maladie « affecte de façon disproportionnée les minorités de genre et sexuelles ».
- Enfin, la recherche sur la COVID souffre de la décision de l’administration Trump de décréter que cette maladie est terminée, mais les coupes affectent du coup les recherches sur l’hésitation vaccinale, un sujet épineux à l’heure d’une éclosion de rougeole : sur 44 subventions sur l’hésitation vaccinale qui avaient été attribuées, 21 ont été annulées jusqu’ici.
Le quatrième des sujets les plus affectés par les coupes au NIH, le climat, est celui qui risque de souffrir d’autres coupes, dans des endroits qui n’ont rien à voir avec la santé, comme l’agence des océans et de l’atmosphère (NOAA), la NASA ou le ministère de l’Agriculture. De fait, dans un document obtenu le 11 avril par le New Scientist, il s’avère que les coupes de 1,6 milliard$ à la NOAA demandées par la Maison-Blanche (qui nécessitent l’approbation du Congrès) incluent l’ensemble du budget de recherche en climatologie et météorologie. Et dans un autre document obtenu par d’autres médias le même jour, dans le contexte du budget fédéral en préparation, il s’avère que les recherches sur le climat et la météo menées à la NASA pourraient elles aussi passer sous le couperet.
Rappelons que de telles coupes sont sans précédent. Jamais on n’avait vu un nouveau gouvernement américain intervenir à ce point, et à une telle vitesse, dans la recherche scientifique. Dans le passé, les plus grosses crises relatives à ce qu’on appelait de « l’ingérence politique » dans la recherche concernaient des nominations politiques à des postes-clefs ou des rapports d’agences gouvernementales —souvent sur le climat ou l’énergie. Mais une telle vague de coupures, pour des motifs largement idéologiques, est inédite.