La survie au féminin fait depuis très longtemps partie intégrante des situations horrifiques dans le septième art (pensez aux fameuses final girls). Dommage, alors, que la frontière entre la misogynie et le féminisme semble de plus en plus obscure, comme on le découvre dans Drop, un film qui, contrairement à ce qu’il semble clamer, n’aime décidément pas les femmes.
D’abord scénariste, Christopher Landon s’est renouvelé, dans la dernière décennie, en réalisant ses propres projets. S’amusant à jouer avec les clichés et à les déjouer, mêlant souvent l’humour à l’horreur, le voici ici à nouveau à la barre d’un long-métrage dont le scénario ne lui appartient pas.
La dernière fois que cela s’est produit, c’était pour le sympathique Happy Death Day, qui reposait beaucoup sur l’énorme charisme de Jessica Rothe. Malheureusement, le certain charme et la fraîcheur qu’on y avait décelés sont relativement absents ici. On sentait après tout l’inspiration du réalisateur flétrir via la suite de ce dernier, mais aussi avec un Freaky beaucoup plus convenu qu’il ne semblait le croire.
Volontairement ou non, Drop ressemble pourtant à un autre film sorti plus tôt cette année, que Landon a écrit, mais sans se charger de sa réalisation: Heart Eyes, mêlant également romance et hémoglobine via une date qui vire en cauchemar.
Puisque voilà, ici, notre protagoniste Violet, interprétée avec nerf par l’excellente Meghann Fahy, qui mérite certainement mieux, essaie de retrouver la voie du dating sans savoir que ses traumatismes passés se conjugueront à de nouveaux événements dramatiques.
Jason Blum unit les forces du couple de scénaristes Jillian Jacobs et Chris Roach (à qui l’ont doit les assez pauvres Truth or Dare et la relecture de Fantasy Island) à celles de Landon. Les trois ont d’ailleurs déjà participé à d’autres projets des studios Blumhouse.

La prétention ayant suivi la voie du succès, on comprend que Landon se prend très au sérieux et pense certainement revigorer le septième art avec ses propositions, citant tour à tour plusieurs maîtres de l’art, dont ceux des thrillers des années 1990, comme autant de sources d’inspiration. De Hitchcock à De Palma, jusqu’au Red Eye de Wes Craven, on vous met au défi d’y trouver le talent de ces derniers dans sa création.
Pire, il semble clamer que ce projet est plus personnel que jamais, puisqu’il voulait développer avec réalisme et sensibilité le sujet délicat des survivants de violence conjugale, comme plusieurs de ses proches y ont goûté.
Hasard ou non, on a même fait appel à Brandon Sklenar, aperçu récemment dans le controversé It Ends With Us, qui parlait lui aussi du même sujet, pour y jouer pratiquement le même rôle.
On cherchera donc certainement, en vain, ce réalisme dont Landon parle dans ce film en carton. Effectivement, presque tous les décors, incluant ceux du restaurant chic dans lequel presque toute l’intrigue se déroule, ont été reconstitués en studios à Dublin en Irlande. Sauf que, mis à part un plan séquence à la fluidité discutable, ce tournage reconstruit à l’étranger ne sera pas d’une grande utilité.
Le réalisateur étant adepte de la comédie qui essaie de ne pas trop se prendre au sérieux, on aurait pu accepter que l’ensemble patauge et s’enfonce toujours plus drastiquement dans le ridicule.
Le hic? C’est que cette fois-ci l’humour, le vrai, est presque introuvable, sauf quelques répliques, ici et là, qui font presque mouche.
On se lassera toutefois rapidement du serveur intense. Et il y a l’absence d’action, qui a été gardée pour les maigres 20 minutes de la fin, le tout affaibli par des revirements qui nous intéressent peu, au final.
On apprécie l’idée d’un huis clos, ce côté meurtre et mystère à essayer de découvrir l’identité du prédateur, tout comme l’apport inusité d’un phénomène technologique récent: la fameuse application AirDrop laquelle le titre fait référence. Celle-ci permet d’envoyer du contenu à des téléphones situés à proximité, sauf que ce concept paraîtra aussi obscur au début qu’à la fin du film, pour ceux qui ne savent pas ce dont il s’agit.

Inutile de dire que le film ne tirera presque jamais avantage des nombreuses avenues prometteuses offertes à lui.
Ainsi, alors qu’on s’attendait à quelque chose de mouvementé et de captivant comme les ridicules mais assumés Phone Booth de Joel Schumacher ou Cellular de David R. Ellis qui misaient sur des protagonistes masculins, surtout avec Michael Bay au générique des producteurs, on se retrouve avec un drame presque en temps réel où il ne se passe pas grand chose.
De fait, via une durée qui en paraît aisément le double de ses 95 minutes, outre subir en simultanée les nombreuses violences et harcèlements que notre blonde en détresse est victime ce dès les premières minutes du film, les spectateurs n’auront pas grand chose à se mettre sous la dent.
À l’instar d’un certain Companion de Drew Hancock, également sorti cette année, on ne semble pas comprendre que la survie, la résilience et la défense d’un personnage féminin ne vient pas équilibrer tous les coups qu’on lui fait recevoir. Ici le constat est d’autant plus frappant en voyant à quel point les hommes souffrent beaucoup moins quand on les attaque, même s’ils en meurent. Prenez note: ceci ne représente pas du féminisme.
Drop pourrait s’oublier rapidement. Des productions anonymes de cet acabit se font par centaines, chaque année. Sauf qu’il laisse un mauvais goût en bouche. Et ça, malheureusement, c’est beaucoup plus dur à pardonner.
3/10
Drop prend l’affiche en salle ce vendredi 11 avril.