Adapté du best-seller de Richard Malka paru en 2021, Le voleur d’amour est une bande dessinée romantique et somptueuse dans laquelle Yannick Corboz réimagine la figure du vampire de façon très originale.
Né à Vienne en 1769 de parents malheureux ne s’étant jamais remis de la mort de leurs deux premiers enfants et qui, pour cette raison, n’ont jamais été en mesure de lui prodiguer la moindre affection, Adrian van Gott, un garçon souffreteux et torturé par ses pairs, a trouvé refuge dans les livres, dévorant tous les ouvrages qui lui tombaient sous la main. Ce n’est qu’à l’adolescence, en partageant son tout premier baiser, qu’il a véritablement commencé à vivre.
Avec ce baiser, le jeune homme a découvert que l’étrange maladie génétique l’affligeant lui permettait d’absorber l’essence d’autrui à travers ses lèvres. Se nourrir ainsi lui permet d’allonger sa propre existence, tout en écourtant celle des personnes dont il s’abreuve. Aujourd’hui, près de 300 ans plus tard, Adrian rencontre Anna, une danseuse de ballet qui semble être la réincarnation de la seule femme qu’il n’ait jamais aimée. L’immortel se retrouve alors déchiré entre l’assouvissement de ses désirs et les remords que son vampirisme provoque en lui.

Loin des stéréotypes du genre, Le voleur d’amour réinvente le concept du vampire, conservant la sensualité et l’immortalité habituellement associées à ces êtres mythiques, tout en mettant de côté leur violence et leur soif d’hémoglobine. Il s’agit donc d’un récit romantique et mélancolique n’ayant rien à voir avec l’horreur. Au-delà de l’éternelle quête affective de cet être maudit, la bande dessinée nous convie à un voyage à travers les continents et les siècles, dans un monde qui change de plus en plus vite sans jamais apporter rien de nouveau.
Qui dit vampire dit sensualité, et Le voleur d’amour regorge d’érotisme : maisons closes de Constantinople, orgies à Sarajevo, on compte même une scène d’inceste entre Adrian et sa mère. Pour cette raison, le récit s’adresse définitivement à un public adulte. Puisqu’il s’agit de l’adaptation d’un roman, la prose y est beaucoup plus poétique que dans une bande dessinée typique, et parmi les nombreuses belles phrases dont regorge l’album, l’auteur décrit avec éloquence les saveurs des différentes émotions que ce vampire goûte chez ses victimes.

Yannick Corboz crée des aquarelles délicates et raffinées pour la mise en images du roman de Richard Malka. En plus d’un sens impeccable du cadrage, l‘artiste possède un talent indéniable pour croquer la volupté des plaisirs de la chair. Il injecte à l’ensemble une touche onirique, ajoutant par exemple à l’étreinte de deux amoureux les tentacules d’une pieuvre imaginaire les enlaçant. Imprimé sur des pages de grand format permettant de profiter de la richesse des illustrations, il s’agit d’un beau livre que les collectionneurs voudront ajouter à leur bibliothèque.
Si vous aimez les histoires de vampires, mais trouvez que la littérature les mettant en vedette n’offre plus grand-chose de nouveau, vous serez charmés par Le voleur d’amour, une bande dessinée qui parvient à injecter du sang neuf à cette figure mythologique trop souvent exploitée.
Le voleur d’amour, de Yannick Corboz (d’après le roman de Richard Malka). Publié aux éditions Glénat, 200 pages.