Les droits de douane annoncés le 2 avril par Donald Trump à l’ensemble des pays du monde — et même à des manchots de l’Antarctique — ont permis d’illustrer comment il est possible d’insérer du jargon pour créer l’illusion d’une solution complexe, là où le commun des mortels aurait pourtant pu facilement comprendre.
Lors de l’annonce, ni les journalistes ni les économistes ne semblaient en mesure d’expliquer pourquoi certains pays se faisaient infliger des « tarifs » de 15%, et d’autres, de 30 ou de 40%. La Maison-Blanche a mis quelques heures pour dévoiler une formule mathématique, se lisant ainsi:
Ça semble à première vue indéchiffrable pour qui n’a pas fait des maths avancées, et pourtant, il a suffi de quelques minutes pour que des journalistes et des économistes ne nettoient le jargon. Tout d’abord, la première lettre grecque, ∆, est inutile : en compagnie de tout ce qui vient avant le symbole « = », elle est seulement une façon savante de dire, dans ce cas-ci, « Tarifs ».
La première multiplication sur la ligne du bas, faite de deux lettres grecques, ε x φ, s’avère elle aussi inutile : la première désigne l’élasticité des prix pour la demande en importation, la deuxième, l’élasticité des prix d’importation. Comme le premier chiffre, fixé par le ministère américain du Trésor, est de 4 et le deuxième, de 0,25, cette partie de la multiplication donne 1. C’est donc une information inutile.
Ce qui reste? Le « x », qui désigne les exportations et le « m », les importations. La formule devient donc :
X – m
_____
m
Ou bien, pour l’exprimer en mots: le déficit commercial des États-Unis avec un pays, divisé par ce que les États-Unis importent de ce pays.
C’est la raison pour laquelle certains des pays les plus pauvres, comme le Lesotho, se sont vu infliger, le 2 avril, des tarifs parmi les plus élevés: ils exportent aux États-Unis des ressources naturelles (le diamant, dans le cas du Lesotho) mais leurs populations ont très peu de revenus pour importer des biens: le déficit commercial sera donc inévitablement élevé.
La formule n’explique toutefois pas les droits de douane infligés aux manchots de l’Antarctique. Mais elle illustre pourquoi, lorsqu’on veut vulgariser, il est important de ne pas complexifier inutilement quelque chose de simple.