Nos lointains ancêtres avaient les mêmes idées, ou bien leurs idées voyageaient beaucoup: des archéologues viennent d’identifier des outils de pierre vieux de 50 000 à 60 000 ans dans ce qui est aujourd’hui le sud de la Chine, dont le style correspond à ceux fabriqués à la même époque à l’autre bout du monde, en Europe.
Le problème n’est pas seulement la distance, mais qui sont les gens qui fabriquaient ces outils: en Europe, on a découvert de tels outils depuis les années 1950 sur des sites néandertaliens. Or, les Néandertaliens ne peuplaient que l’Europe, pas l’Asie. Des traces de leurs proches cousins, les Dénisoviens, ont été identifiées dans l’ouest de l’Asie.
La technique en question consiste à « peler » la roche par paliers pour en faire quelque chose de plus tranchant, qu’on appellerait aujourd’hui un racloir. Cela nécessite de sculpter minutieusement la pierre sans la casser, mais le résultat final permet de travailler plus efficacement le bois, les végétaux ou la peau des animaux tués. C’est une avancée technologique qui a certainement donné un avantage aux populations de l’époque.
Les préhistoriens appellent généralement ces outils des « racloirs Quina » (en anglais, Quina scrapers), du nom du site, en France, où ils ont été pour la première fois identifiés, en 1953. En comparaison, les outils de pierre de la même époque retrouvés à l’autre bout du continent étaient d’une nature beaucoup plus simple.
Une des hypothèses des archéologues est que cette avancée technologique aurait été favorisée par des changements dans l’alimentation des Néandertaliens ou dans leurs déplacements: si on peut plus facilement couper la peau et la viande de l’animal tué, on peut être tenté de suivre davantage à la trace cet animal. Ou bien, à l’inverse, un Néandertalien a inventé cette façon de faire parce que cet animal se retrouvait, à cause d’un changement dans l’environnement, plus souvent à la portée des chasseurs.
La recherche, signée par une équipe dirigée par les archéologues chinois Qi-Jun Ruan et Hao Li, est parue le 31 mars dans la revue PNAS. On y lit que les fouilles effectuées en 2019 et 2020 sur le site de Longtan ont produit 3487 outils de pierre, dont 53 identifiés comme des racloirs Quina et 14 autres comme des pierres taillées dans une forme générique à partir de laquelle, ensuite, les humains de l’époque allaient créer leur racloir. On n’a pas retrouvé d’ossements permettant de dire quel type d’humain occupait ce site.