C’est en découvrant une photo de sa grand-mère, alors jeune adulte, prise à Oran, en Algérie, que la vie de Nora bascule. Elle-même incapable de trouver sa place dans la société, elle partira à la recherche de ses origines, au risque d’en perdre la tête, afin de comprendre la vie de cette Femme de nulle part.
Écrit et mis en scène par Anna Sanchez, cette pièce, jouée sur les planches de la salle Fred-Barry, au Théâtre Denise-Pelletier, unit les questions toujours délicates du colonialisme, de la guerre, mais aussi des relations intrafamiliales et du « transfert » de la colère de génération en génération, en quelque sorte.
Il y a là un cocktail explosif, alors que notre protagoniste lève le voile sur l’histoire potentiellement franchement peu reluisante de sa famille. Lentement, mais sûrement, elle remonte la piste de ces Français installés en Algérie lors de la guerre d’indépendance, et dont on ne sait à peu près rien.
Du même souffle, Nora tente de trouver sa propre place dans le monde. Elle qui, à 24 ans, n’a toujours pas complété d’études universitaires, ou encore trouvé un travail sérieux.
À travers tout cela, on trouve aussi un frère qui est désillusionné par rapport à son propre avenir, une mère qui tempête contre le silence et la mollesse de son mari, et un père enfermé dans son incapacité à exprimer ce qu’il ressent. Sans oublier une grand-mère rongée par la colère et terrassée par la force de ses souvenirs.
La femme de nulle part pourrait être une pièce dramatique poignante, puissante, avec des révélations et des questionnements qui viennent remuer les comédiens et le public. Et il y a un peu de tout cela, dans cette oeuvre de 90 minutes. Mais il y a aussi des changements de ton si fréquents, si immédiats, qu’il faut attendre la toute fin de la pièce, lorsque les gags laissent la place à des monologues fort bien écrits, que l’intérêt de ce journaliste est titillé.
Autrement, le rythme et l’ambiance de la pièce sont gâchés par ces tentatives répétées d’alléger l’atmosphère. On peut comprendre et apprécier certains moments d’une plus grande légèreté, mais dans ce cas-ci, on erre davantage du côté de l’abus que de la saine prudence, en quelque sorte. D’autant plus que les blagues en question ne sont pas spécifiquement réussies.
Faut-il blâmer l’autrice, ou plutôt le public, clairement formé de gens convaincus d’avance, et qui s’esclaffait pour un oui ou pour un non? Sommes-nous dans une pièce dramatique, ou dans du théâtre d’été destiné à nous taper sur les cuisses?
Si La femme de nulle part s’appuie sur de bons principes, et si la dernière partie est franchement réussie, avec d’excellents monologues, l’abondance de moments humoristiques gâche ainsi la sauce. Et c’est bien dommage.
La femme de nulle part, écrit et mis en scène par Anna Sanchez
Avec Sarya Bazin, Delphine Gilquin, Théa Paradis, Étienne Pilon, Jules Ronfard et Isabelle Roy
À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 12 avril