Pendant que la planète se meurt, sous les coups de boutoir de magnats ayant succombé à l’envie et à l’avarice, et suivis par des hordes de gens victimes de la colère, le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) nous offre un peu de beauté pécheresse avec l’exposition Présumées coupables.
D’ailleurs intitulée Bad Girls Only – points bonis pour le double sens, ici – dans la langue de Shakespeare, ladite exposition rassemble une trentaine d’estampes et de dessins allant de la fin du 15e au 17e siècle qui dépeignent des femmes alors qu’elles s’abandonnent à l’un ou l’autre des sept péchés capitaux.
Magnifiques, finement détaillées, ces oeuvres réalisées par des maîtres de l’art visuel de l’époque proposent une réalité qui est évidemment paradoxale. Car ces femmes, que l’on accusait alors de tous les maux – que l’on accuse encore de tous les maux, en fait –, sont aussi, bien entendu, des objets de désir, d’admiration, d’adulation. Femme pécheresse, mais femme forte, nourricière, intelligente, audacieuse, libérée…
D’ailleurs, les artistes de l’époque ne se sont pas privés de dessiner une bonne part de ces femmes, parmi la trentaine d’oeuvres tirées des archives du MBAM, avec les seins nus. Si l’avarice pousse peut-être à cesser d’acheter suffisamment de tissu pour se couvrir la poitrine, ou si la colère peut mener à (littéralement) déchirer sa chemise, on se dit peut-être qu’en ce retour partiel de l’hiver, les femmes envieuses ou paresseuses risquent de prendre froid.
Blague à part, l’exposition Présumées coupables est aussi brève que fascinante. Devant ces représentations féminines des sept péchés capitaux, on ne peut s’empêcher de se rappeler que ce sont aussi des femmes qui servent de modèle lorsqu’il est question de dépeindre les vertus. N’est-ce pas une femme qui représente la justice? Et cette Victoire, n’est-elle pas représentée sous la forme d’une femme casquée et brandissant une épée… c’est-à-dire une transposition quasi identique d’une estampe montrant une femme en colère?
Le seul reproche que l’on pourrait faire, à cette expo, c’est qu’elle ne dure pas suffisamment longtemps. A-t-on manqué d’espace? Aurait-on pu présenter également des femmes incarnant les vertus, justement?
Exposition qui tombe à point nommé, Présumées coupables propose à la fois une série d’oeuvres magnifiques et une occasion idéale pour réfléchir à l’impact de cette classification sociétale et religieuse qui pèse lourd sur l’Occident chrétien depuis plus de 1000 ans. À voir jusqu’au 10 août.