Aux États-Unis, la liste des mots-clés qui sont effacés des demandes de subventions pour des recherches scientifiques, viendrait apparemment de s’enrichir d’un candidat très spécialisé: vaccin à ARN.
Le site d’information en santé KFF Health News rapportait le 16 mars que des fonctionnaires des National Institutes of Health, ou NIH —le principal organisme subventionnaire de la recherche en santé aux États-Unis, et l’un des plus gros au monde— auraient donné pour instructions aux scientifiques de retirer de leurs demandes de subventions toute référence à la « technologie des vaccins à ARN ».
L’ARN messager est une longue molécule qui est en fait un « code génétique »: celui-ci, une fois qu’il a été « lu » par notre ADN, sert à produire des protéines pour toutes sortes d’usages dans notre corps — le système immunitaire étant celui de ces usages qui intéresse à présent les chercheurs. Le principe d’un vaccin à ARN est de se servir de l’ARN pour envoyer au système immunitaire les « instructions » nécessaires pour combattre un virus.
Un remède qui a déjà fait ses preuves
Il s’agit d’un type de vaccin qui s’est fait connaître au début de la COVID, mais qui est en développement depuis plus de deux décennies et qui a connu, avec la pandémie, son premier succès. Depuis, les experts s’entendent pour dire que cette technologie ouvre des portes pour des traitements possiblement plus faciles à développer contre la grippe ou le sida, et même contre certains cancers. Deux des scientifiques qui ont mis cette technologie sur les rails dans les années 1990 et 2000, Katalin Karikó et Drew Weissman, ont décroché le Nobel de médecine en 2023. De sorte que plusieurs dizaines de laboratoires, aux quatre coins des États-Unis, étaient probablement en train de soumettre des projets d’expériences impliquant ces vaccins lorsque ces nouvelles instructions sont arrivées.
Sauf que les vaccins à ARN ont aussi été la bête noire de plusieurs militants antivaccins pendant la COVID, qui ont vu en eux une technologie inefficace (ce qui s’est avéré faux), voire dangereuse (ce qui s’est également avéré faux). Or, à cause des nominations des dernières semaines par la nouvelle administration Trump, il n’est pas impossible que des pressions politiques conduisent le NIH à « abandonner un champ prometteur de la recherche médicale », signale KFF Health News.
Et ces pressions existent aussi au niveau local: le mois dernier, le Montana, un État du nord-ouest des États-Unis, tenait des audiences publiques pour un projet de loi visant à criminaliser les vaccins à ARN. Des projets de loi similaires sont envisagés dans au moins six autres États —tous républicains. À la fin de février, l’agence Bloomberg News rapportait que des fonctionnaires « réévaluaient » un contrat de 590 millions$ attribué à la compagnie pharmaceutique Moderna pour le développement d’un vaccin à ARN contre la grippe aviaire.
Ironiquement, ce sont des investissements massifs décidés par le président Trump lui-même en 2020, se mesurant en milliards de dollars, qui ont permis à ces vaccins contre la COVID de voir le jour aussi vite, soit dès la fin de la première année de la pandémie.
Un courriel envoyé à plusieurs employés du NIH par le nouveau directeur, Matthew Memmoli, stipule que toute « subvention, contrat ou collaboration » impliquant des vaccins à ARN doit être « rapportée » jusqu’en haut de la chaîne hiérarchique, soit le bureau du secrétaire à la Santé Robert F. Kennedy Jr., à la Maison-Blanche. Un message similaire du même directeur annonce l’annulation de diverses recherches, comme celles sur l’hésitation vaccinale: le courriel précise que le NIH n’est pas intéressé à apprendre pourquoi les gens évitent les vaccins ou comment « améliorer l’intérêt et l’engagement envers les vaccins ».