Depuis des décennies, lorsqu’on parle de cette mystérieuse énergie sombre qui compose le plus gros du cosmos, la physique prend pour acquis qu’il s’agit de quelque chose d’immuable, qui fait partie de la structure même de l’univers. Et s’il se confirmait qu’elle évolue dans le temps?
La question a beau être aussi éloignée qu’il est possible de l’être de la vie quotidienne du Terrien moyen, elle n’en passionne pas moins physiciens et astrophysiciens, parce qu’elle est au coeur des constantes qui définissent la physique — et du coup, qui définissent la composition même de tout ce qui nous entoure, jusqu’à l’infiniment grand.
La boîte de Pandore a été réouverte par un instrument appelé le Dark Energy Spectroscopic Instrument, ou DESI. En opérations depuis 2019 à l’Observatoire de Kitt Peak, en Arizona, il a pour tâche d’effectuer des relevés de galaxies lointaines, précisément dans le but de mesurer l’expansion de l’univers et l’énergie noire.
Les nouvelles données, dévoilées ces derniers jours dans plusieurs articles prépubliés par l’équipe internationale de DESI, et lors du congrès de la Société américaine de physique, portent sur près de 15 millions de galaxies et de quasars s’étalant sur 11 milliards d’années — puisque plus l’objet est éloigné, plus on le voit tel qu’il était dans un passé lointain. Et ces données suggèrent que l’énergie noire s’affaiblit au fil de ces milliards d’années.
Dans leurs communications, les physiciens soulignent prudemment « si ces données sont confirmées », puisqu’à cette échelle, le risque d’erreur peut être élevé et que leurs articles n’ont pas encore été révisés par des pairs. Mais en même temps, cette « découverte » ne sort pas de nulle part: en avril 2024, les données préliminaires de DESI avaient déjà suggéré que l’énergie sombre pourrait être plus faible que jadis. Il s’agissait alors de données couvrant une année d’observations. On en est maintenant à trois années d’observations.
Il y a longtemps qu’il ne fait plus de doute que l’énergie sombre est là, tout comme la matière sombre, parce qu’on peut mesurer indirectement la masse manquante. Et pas qu’un peu, puisqu’à elles deux, elles représenteraient jusqu’à 95% de notre univers. Mais on ignore toujours ce que c’est, qu’est-ce qui les compose ou comment elles interagissent avec le « reste ».
Toutefois, dans les modèles cosmologiques, l’énergie sombre était considérée comme une constante, dont la détermination de la masse ferait éventuellement la différence quant au sort futur de notre univers: est-il ou non voué à poursuivre indéfiniment son expansion.
Dans les années 1920, la physique avait déterminé que l’univers était en expansion, et en 1998, elle avait ajouté à cela que cette expansion était en accélération, ce qui ne pouvait s’expliquer que par ce mystérieux « moteur » qu’était l’énergie sombre. Mais s’il s’avère que ce moteur s’affaiblit au fil des milliards d’années — donc, que l’accélération en question diminue dans le temps — cela ne fait pas que complexifier la question: cela remet tout le modèle en question, et c’est ce que commentent passionnément physiciens et astrophysiciens depuis quelques jours.
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