Nous sommes en 1969. Le Québécois Jacques Ferron, médecin de son état, mais qui désire ardemment faire œuvre d’écrivain, s’isole au pied d’une falaise pour s’adonner à sa passion. Écrire n’est pas une chose facile. « Il faut [même] être cinglé pour écrire ». « C’est ennuyant ». « On est toujours seul »… Mais la chose est irrésistible pour notre protagoniste, qui a d’ailleurs laissé une œuvre conséquente de romans, de pièces de théâtre et de recueils de contes.
Pour la journée internationale des marionnettes, célébrée chaque année le 21 mars –, mais le spectacle mérite d’être vu n’importe quel autre jour… – Conte du littoral, proposé au beau théâtre de L’Illusion, plonge le spectateur dans l’imagination de l’écrivain et les créatures fantastiques qui en émergent.
Destiné aux adultes et aux enfants de 7 ans et plus, le spectacle permet une réflexion intelligente sur ce que représente la création littéraire, illustrée par les êtres, les objets et les péripéties qui sortent de l’esprit du créateur et emportent dans leur mouvement inventif ceux qui lisent ou assistent au spectacle. Un tourbillon de fantasmagories, toutes plus originales et poétiques les unes que les autres, un soupçon inquiétantes, mais avec juste l’humour qu’il faut pour susciter l’émerveillement.
La réaction enchantée des enfants dans la salle ne trompe pas. Ni celle des adultes, d’ailleurs.
Dans un beau décor de cordes et de troncs d’arbres, une forêt mystérieuse, « bavarde et enchantée », et qui tiendra un rôle majeur… trône un bureau d’écrivain qui sera aussi le lieu de mille transformations.
Sur fond de musique live, l’homme s’y installe, commence à écrire, se désole, recommence. Quoi écrire d’ailleurs? Il n’en sait trop rien. Qu’est-ce que la réalité? Et le voilà qui doute de sa santé mentale du fait de cette petite voix qui s’installe en lui. Est-il en train de devenir fou? Maski, c’est le nom qu’il lui a donné, est un compagnon espiègle et dérangeant, inspirant aussi… peut-être est-ce lui qui lui souffle toutes ses idées? Existe-t-il vraiment? Et Madeleine? Attirée par l’océan, qui réclame à tout prix le dénouement du conte… Mais la fin de l’histoire, l’écrivain lui-même l’ignore…
Il a seulement imaginé cette fillette minuscule, plus petite qu’un bébé, les yeux ronds, le bec pointu et qui s’égare toute seule du bon côté des choses, juste à l’arrière de la maison.
Et l’on suit ainsi les aventures de cette petite fille à la recherche de la mer de la Tranquillité, à qui il arrive bien des aventures: elle s’envole jusqu’à la lune; elle est enlevée par des oiseaux bavards et paresseux; elle encontre aussi le roi du monde et se rend jusqu’au dernier étage d’une montagne où sont entassés des enfants rejetés de tous.
À l’aide de multiples marionnettes, petites et grandes et de divers matériaux, d’effets de métamorphoses des objets sur la scène, et sur fond de très belle musique, le spectateur assiste à une foule d’effets et de transformations. Il voyage de la forêt à la lune, dans le cœur d’une rivière ou dans une ville labyrinthique, pour finir sur un grand navire qui fend l’océan au lendemain d’une tempête.
Les quatre acteurs sur scène tiennent tous les rôles possibles, dont ceux de marionnettistes. Les marionnettes sont belles, soignées, manipulées avec art. Elles sont minuscules ou géantes, mais toujours très impressionnantes. Conte du littoral est un très beau spectacle, riche, intelligent et poétique; une heure de rêve qui ne peut que ravir tous les publics.
Conte du littoral
Texte : Louis-Charles Sylvestre
Mise en scène : Sabrina Baran
Scénographie et costumes : Laurence Gagnon Lefebvre
Univers sonore : Nicolas Ferron
Marionnettes : Sophie Deslauriers et Laurence Gagnon Lefebvre
Lumières : Nancy Longchamp
Assistance à la mise en scène : Isabeau Côté
Interprétation : Sabrina Baran, Nicolas Ferron, Pierre-Louis Renaud et Louis-Charles Sylvestre
Conte du littoral, du 18 au 26 mars 2025 au théâtre L’illusion, Théâtre de marionnettes, à Montréal