Avec un troisième tome qui parvient à boucler toutes les intrigues introduites dans les deux livres précédents, tout en ouvrant la porte à de nouvelles histoires, Central Dark, de la série The Kong Crew, est un petit bijou de divertissement.
Dans l’univers de The Kong Crew, King Kong a gagné la bataille l’opposant à l’armée en 1933, forçant l’évacuation complète de la ville de New York. Quatorze ans plus tard, Manhattan est devenue une véritable jungle coupée du reste du monde par une barrière à ultrasons. En raison d’un parasite niché dans la fourrure du gorille géant, l’île est maintenant peuplée par toutes sortes de créatures du paléozoïque que l’on croyait disparues, dont des ptérodactyles, des vélociraptors et même un mégalodon, ce qui explique que l’endroit soit interdit à la population.
Virgil Price est membre du Kong Crew, une unité d’élite de l’US Air Force chargée de contrôler le périmètre de la zone interdite. Il a choisi le métier de pilote dans l’espoir de voir un jour le gorille géant de près, et son vœu a malheureusement été exaucé lors d’une mission de reconnaissance, alors que son avion s’est écrasé dans Manhattan. Une escouade a été envoyée à sa rescousse et son chien, un teckel nommé Spit, en a profité pour se cacher dans une caisse de ravitaillement avant d’être largué sur cette île, qui est loin d’être aussi déserte que les autorités voudraient le faire croire.

Il commence en effet à y a avoir pas mal de monde dans ce no man’s land lorsque s’amorce Central Dark, le troisième tome de la série. Fait prisonnier par un groupe d’Amazones ayant établi leur quartier général dans le Metropolitan Museum, Virgil cherche une façon d’échapper à ses geôlières, tandis que les militaires chargés de le ramener sont confrontés à la faune dangereuse de l’île. Pendant ce temps, tous les efforts de la nation se tournent vers le sauvetage de Spit le chien, puisque le toutou est devenu un symbole depuis que l’épouse du président Truman s’en est entichée.
Hommage aux films fantastiques des années 1950 et aux romans pulp, The Kong Crew relève de la pure série B, mais dans le bon sens du terme. Non seulement la prémisse d’une Manhattan sauvage peuplée par des dinosaures est excellente, mais l’auteur ne cesse d’agrandir son terrain de jeu d’album en album grâce à l’ajout constant de nouveaux éléments inattendus qui maintiennent l’intérêt du lecteur. C’est aussi le cas de ce nouveau tome, le plus volumineux jusqu’à maintenant avec près de 90 pages, et dont la conclusion élargit encore un peu plus l’univers.
En dehors des monstres préhistoriques et de l’action débridée, The Kong Crew présente une riche galerie de personnages, et un foisonnement d’intrigues secondaires aussi passionnantes que le récit principal. Dans Central Dark par exemple, Virgil Price, présenté comme le héros dans les albums précédents, est pratiquement absent (sauf vers la fin), et l’intrigue s’attarde surtout sur Betty Pearl, la fille du colonel et féministe avant la lettre, alors que la jeune femme doit se battre contre les préjugés de l’époque uniquement pour piloter un avion, même si elle a toutes les qualifications requises.

Sans rien enlever aux talents de scénariste d’Éric Hérenguel, ses illustrations dans The Kong Crew constituent le point fort de la série. Ses dessins aux traits fins possèdent un réalisme nerveux que l’on associe habituellement à la bande dessinée franco-belge, auxquels il ajoute un dynamisme digne des comics américains quand vient le moment de croquer les scènes d’action, spectaculaires à souhait. Avec sa jungle étouffante côtoyant les gratte-ciels en ruines, les carcasses de voitures rouillées et les châteaux d’eau, ses décors sont absolument époustouflants, et chaque planche offre une immersion totale dans cette Manhattan de cauchemar sur laquelle règne King Kong.
Des monstres géants, de l’action à revendre, un brin d’humour, des personnages sympathiques et des dessins sublimes teintés de nostalgie rétro, voici ce qu’offre The Kong Crew, une série ne contenant peut-être pas de message profond, mais que l’on prend plaisir à dévorer de la première à la dernière page, tant elle est divertissante.
The Kong Crew – Tome 3: Central Dark, d’Éric Hérenguel. Publié aux éditions Ankama, 88 pages.