La répétition est certainement une bonne idée pour mieux se rappeler quelque chose. Mais ça peut aussi avoir un effet inattendu: nous faire croire qu’un événement s’est produit il y a plus longtemps que dans la réalité.
L’expérience qu’ont mené des psychologues de l’Université de Pennsylvanie part d’une prémisse bien connue dans les recherches sur le cerveau : nos souvenirs d’événements passés ne sont pas « datés », en ce sens que notre matière grise ne les classe pas par jour ou par semaine. Elle les classe en fonction d’un contexte, par exemple avec quel ami nous nous trouvions, ou dans quel lieu, ou dans le cadre de quelle activité, ou quelle était notre humeur…
Pour cette raison, bien des choses peuvent tromper notre perception du temps qui s’est écoulé: par exemple, des recherches ont déjà affirmé que le simple fait de voir un nom plusieurs fois — l’effet de répétition — créerait en nous l’illusion que nous avons rencontré cette personne plus récemment que ce qu’il en est vraiment.
Pour vérifier la chose, la nouvelle étude a consisté à montrer à différents participants 5 blocs de 50 images, à l’intérieur desquels certaines images étaient présentées une seule fois et d’autres, entre deux et cinq fois. On demandait ensuite aux participants de classer sur une ligne de temps à quel moment ils avaient vu pour la première fois telle ou telle image.
Comme prévu, les participants avaient un meilleur souvenir des images vues plus d’une fois. Mais surtout, sur la ligne de temps, ils plaçaient effectivement plus tôt que dans la réalité la première apparition des images vues plus d’une fois. Et les images vues cinq fois étaient jugées comme étant apparues plus tôt que celles vues deux fois.
Concrètement, cela confirme que nos mémoires sont faillibles, mais aussi qu’elles sont manipulables. Dans les études sur la désinformation, il y a longtemps que l’effet de répétition est un facteur pris en compte: une personne confrontée à une information bizarre aura tendance à la rejeter. En revanche, si elle la voit surgir deux ou trois fois, elle aura davantage tendance à croire que « ça doit être vrai ». Ce que cette étude ajoute comme facteur, c’est la possibilité de créer l’illusion que l’information en question circule depuis plus longtemps que la personne ne l’imaginait, ce qui peut renforcer chez elle l’impression que « ça doit être vrai ».