Ah, quel plaisir! Quel plaisir de voir, sur les planches, cette adaptation de l’une des oeuvres romantiques les plus connues de la culture populaire. En un peu moins de deux heures, Rébecca Déraspe et le metteur en scène Frédéric Bélanger ont réussi un tour de force: celui de donner vie à Orgueil et préjugés. Et de (presque) réussir à faire oublier Colin Firth…
Nous sommes en pleine Angleterre de l’époque victorienne, bien entendu, Et chez les Bennet, une famille qui doit se serrer la ceinture, les trois soeurs doivent trouver mari pour hériter d’une « bonne » situation, histoire d’éviter le déshonneur.
Pourtant, la jeune Elizabeth ne veut pas se marier. Tête forte, progressiste, voire féministe pour son temps, elle tient d’abord à ses proches, avant de faire les yeux doux à un célibataire au col empesé. Bien entendu, elle rencontrera éventuellement un certain M. Darcy, et si la relation entre ces deux personnages sera certainement plus houleuse que cordiale, du moins au début, on peut aisément deviner qu’ils finiront par succomber à leurs sentiments.
L’attrait de cette pièce, ce n’est donc pas son sujet – bien qu’il soit fort agréable d’avoir droit à une comédie romantique aux échanges aussi intelligents que bons pour les zygomatiques. On ne se privera certainement pas d’entendre nos personnages se lancer des répliques fort bien structurées et réfléchies.
Non, l’intérêt réside plutôt du côté de cette adaptation réalisée par Mme Déraspe. Sans avoir lu le texte original – ou même vu le fameux film avec M. Firth, tiens –, difficile de mettre le doigt sur ce qui a été modifié, enlevé, ajouté, etc., mais soulignons que les dialogues de la pièce semblent couler de source, sans que l’ensemble ne semble lourd, comme peuvent parfois l’être tant de drames historiques, surtout lorsque l’on parle d’une époque aussi « coincée » que le règne de la reine Victoria.
Chapeau bien bas, aussi, à cette mise en scène de Frédéric Bélanger, qui injecte elle aussi une bonne dose de fraîcheur dans ce monde fait de conventions mondaines, de phrases entourloupées et autres platitudes pesantes. Notons entre autres la scène du bal, au début de la pièce, où nos personnages danseront de façon tout à fait moderne avec de la musique qui l’est tout autant. Il ne s’agit pas d’une transformation radicale, mais il fallait certainement y penser!
Les acteurs, eux aussi, sont à la hauteur des attentes; Stéphanie Arav, bien sûr, dans le rôle d’Elizabeth, mais aussi Claude Poissant, dans le rôle du père de famille, ou encore Sandrine Bisson, qui joue une mère aussi envahissante qu’aimante.
Seule toute petite ombre au tableau, après avoir entendu parler d’Orgueil et préjugés pendant des années, après avoir des femmes, jeunes et moins jeunes, ne jurer que par Jane Austen, il est quelque peu surprenant de constater que l’intrigue de l’oeuvre est aussi… simple. La faute, peut-être, à l’adaptation théâtrale. Mais l’objectif n’est pas de refaire le monde, après tout. Simplement d’apprécier une comédie romantique bien écrite, bien jouée et bien présentée. Qui peut être contre la vertu?
Sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier, Orgueil et préjugés représente une bonne dose de fraîcheur. Une dose de joie et de plaisir qui éclaire une époque hélas particulièrement assombrie. Profitons donc de l’instant présent et, à défaut de régler les problèmes qui nous accablent, rêvons d’une certaine uchronie où des femmes aussi intelligentes que belles peuvent échapper aux carcans sociaux de l’époque victorienne, le temps d’une soirée.
Orgueil et préjugés, de Jane Austen, adapté par Rébecca Déraspe et mis en scène par Frédéric Bélanger
Avec Stéphanie Arav, Caroline Bélanger, Lamia Benhacine, Sandrine Bisson, Flavie Bourgeois, Thomas Derasp-Verge, Maxime Isabelle, Marie-Pier Labrecque, Félix Lahaye, Claude Poissant et Philippe Thibault-Denis
Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 11 avril