Jean-Pierre Perreault a disparu trop tôt. Décédé il y a plus de 20 ans à l’âge de 55 ans, il n’a pas eu le loisir de déployer totalement son art de la chorégraphie contemporaine au-delà des grandes œuvres qu’il avait déjà imaginées.
Sous l’impulsion de Laurence Lemieux, directrice artistique de la compagnie La Citadelle de Toronto et autrefois danseuse dans cette même œuvre, Nuit est proposée de nouveau dans le cadre de Danse Danse, au théâtre Maisonneuve. Monté pour la première fois en 1986, le ballet de danse contemporaine conserve toute son originalité et sa fascination pour le public.
L’univers de Jean-Pierre Perreault ne ressemble à aucun autre. S’il permet au spectateur toutes sortes d’interprétations, il n’en souffle aucune et il serait vain de rechercher une quelconque trame narrative dans les mouvements proposés.
Dans un très beau décor, imposant et grandiose, sortes de fortifications massives qui ressemblent à de la pierre ou du béton, le nombre impair de danseurs, cinq hommes et quatre femmes, se déploie progressivement sur la scène.
Dans la semi-pénombre et un silence relatif, on note leurs costumes de différentes couleurs sombres et cependant assorties. Les hommes portent des pantalons de ville et des hauts de même ton, les femmes de longues jupes et des bas sur leurs souliers qu’elles changent discrètement en fonction des circonstances.
Car l’un des points les plus remarquables du ballet est l’absence de musique ajoutée, remplacée par le son que produisent les artistes en marchant, en courant ou en sautant, également quelques-uns de leurs soupirs, de leurs cris ou de leurs sifflements.
C’est ainsi que le mouvement des corps, et seulement celui-ci, dicte l’intégralité de l’ambiance sonore du spectacle. La danse produit sa propre musique, ses silences également. Du choc au grincement des pieds sur le sol, l’univers sonore n’est produit que par les artistes eux-mêmes.
Et pour ce faire, les mouvements corporels des danseurs sont eux aussi très travaillés et d’une grande originalité. Selon une organisation de l’espace difficile à saisir et sans doute particulièrement éprouvante pour les artistes, on les voit se déployer en couple, en coordonnées ou en solo. La marche est extrêmement élaborée: en avant, sur le côté ou en arrière, souvent à minuscules pas donnant l’impression que les danseurs glissent sans même bouger leurs pieds.
Ou alors, ce sont au contraire de grands déséquilibres avec les membres très ouverts des artistes et le choc de leurs corps qui retombent lourdement sur le sol. Dans l’ensemble plutôt sombre de cette Nuit, la blancheur de leurs visages et de leurs bras dénudés ressort comme une lumière vive..
On sent le travail impressionnant qu’a dû être la préparation d’un tel spectacle pour les danseurs. Sur fond de musique quasi sérielle, répétitive, mais pas toujours, le spectacle a quelque chose d’hypnotique. Le public retient son souffle. Il perçoit à la fois la force et la vulnérabilité humaine à travers les pas des artistes, la solitude et le besoin de rencontre et d’étreintes amoureuses mais aussi de confrontation et peut-être de retour à une certaine solitude.
NUIT
Chorégraphie : Jean-Pierre Perreault.
Interprètes : Morgyn Aronyk-Schell, Valerie Calam, Tyler Gledhill, Sully Malaeb Proulx, Connor Mitton, Natasha Poon Woo, Heidi Strauss, Brodie Stevenson et Jarrett Siddall.
Scénographie, costumes et musique : Jean-Pierre Perreault.
Conception originale des éclairages : Jean Gervais.
Adaptation des éclairages et de la scénographie : Simon Rossiter.
Ingénieur du son : John Gzowski.
Direction artistique du projet et des répétitions : Ginelle Chagnon, avec la permission de l’Espace Perreault Transmissions chorégraphiques.
Nuit, du 19 au 22 mars 2025 au théâtre Maisonneuve de la place des Arts, à Montréal