Les gens pensent aisément qu’Harry Potter, Spiderman et Gandalf partagent leurs propres convictions politiques, alors que Darth Vader, Cruella d’Enfer et Joffrey Baratheon sont perçus comme voyant pour le parti adverse.
Il s’agit là des conclusions d’une nouvelle étude menée à l’Université de Southampton à propos des soi-disant préférences politiques des personnages fictifs.
Ainsi, les « bons » personnages sont perçus comme votant du « bord » des participants, alors que les méchants sont jugés comme partageant les valeurs du parti adverse.
Les travaux en question ont été publiés dans Political Science Research & Method.
Dans le cadre de leur étude, les auteurs ont aussi constaté que seule une personne sur six se souvenait de l’affiliation partisane d’un politicien charitable ou corrompu mentionné dans une nouvelle, même si celle-ci n’était pas révélée. Encore une fois, les participants ont jugé que les « bons » politiciens votaient pour le même parti qu’eux, contrairement aux « mauvais » politiciens.
Selon les chercheurs, cette projection politique pourrait alimenter la polarisation.
« Si nous voyons les « méchants » comme appartenant à l’autre camp, nous pouvons aussi avoir tendance à associer davantage d’aspects négatifs à ce groupe », soutient le Dr Stuart Turnbull-Dugarte, l’auteur des travaux. « Cela n’est pas seulement une mauvaise nouvelle pour la polarisation, mais cela nous rend aussi plus susceptibles face à la désinformation qui vient confirmer les biais existants que nous avons à propos des électeurs de certains partis. »
Dans le cadre de la première de deux études, les chercheurs de Southampton, aidés par leurs collègues de l’Université de Vienne, ont interrogé quelque 3200 personnes vivant au Royaume-Uni et aux États-Unis.
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Les participants à ces travaux ont été appelés à répondre à une série de questions, en vertu desquelles on leur présentait deux personnages connus provenant de franchises populaires, y compris l’univers cinématique de Marvel, les films de Disney, la série Harry Potter, le Seigneur des Anneaux, Game of Thrones et Star Wars.
On leur a ainsi demandé d’évaluer quel personnage était, selon eux, davantage porté à voter travailliste ou conservateur, au Royaume-Uni, ou démocrate ou républicain, aux États-Unis. Les réponses ont ensuite été couplées à des informations à propos des valeurs et affiliations politiques des répondants.
Ainsi, les gens avaient 20% plus tendance à projeter leurs propres convictions politiques sur un héros que sur un méchant. Cet effet était tout aussi fort lorsqu’il était temps d’accoler les couleurs de l’opposition aux « vilains », les répondants jugeant également 20% plus souvent que ces méchants votaient pour le parti opposé au leur.
Au cours de la deuxième étude, environ 1600 Britanniques ont consulté l’une de deux nouvelles à propos d’un élu local – la première où il était question d’un don à un organisme caritatif, et la deuxième à propos d’un vol d’argent aux dépens de ce même organisme caritatif.
Les participants ont ensuite été questionnés à propos de cette nouvelle, y compris à propos du parti représenté par l’élu – une information pourtant absente des deux textes.
Environ une personne sur six s’est ainsi « rappelée » l’identité du parti politique en question, avec une forte tendance à juger l’élu charitable comme étant membre de leur parti, alors que le voleur faisait partie de l’opposition.
Lorsque les gens ayant indiqué ne pas savoir, ou ne pas se souvenir d’avoir vu l’information ont été invités à deviner, ils ont aussi agi en fonction de leurs convictions partisanes.
Toujours selon le Dr Turnbull-Dugarte, « les gens croient que les héros vont davantage appartenir à leur groupe, mais peuvent accepter que cela ne soit pas le cas pour une partie d’entre eux. Les participants adhéraient cependant beaucoup plus au principe voulant que les méchants font partie du groupe opposé ».
« Dans le contexte où la polarisation est importante, cette projection semble surtout porter sur le fait de définir ce que nous ne sommes pas, plutôt que ce que nous sommes. »
Ainsi, écrivent les chercheurs, la tendance à juger les héros comme étant « de notre bord » et les méchants « de l’autre côté » était plus forte chez les personnes à l’identité politique plus forte. Ceux se situant davantage à gauche de l’échiquier politique étaient aussi davantage disposés à agir de la sorte, comparativement à ceux de la droite.
Aux yeux du Dr Turnbull-Dugarte, « pour surmonter des divisions politiques toujours plus fortes, nous devons reconnaître cette tendance à projeter des traits de héros et de méchants selon des lignes partisanes, et admettre que la réalité est toujours plus complexe et nuancée que ce que nos biais peuvent nous amener à penser ».