Bienvenue au salon funéraire: il est de coutume d’offrir ses condoléances, mais aussi, dans le cas de Pleurs, jouée sur les planches d’Espace libre, de tenter d’oublier les vicissitudes de l’existence. Autant que possible, bien entendu.
Deuxième partie d’un projet théâtral permettant aux finissants et finissantes ayant gradué durant la pandémie de rattraper le temps perdu, en quelque sorte, et leur offrir un espace sur scène afin de faire valoir leurs talents, Pleurs se déroule donc dans un salon funéraire.
Et dans une succession de sketchs – ou saynètes, allez savoir –, ce groupe de jeunes comédiens explorera leurs propres idées, leurs propres gags, leur propre raisonnement logique. Car c’est aussi de cela qu’il s’agit: offrir à la relève un espace de création libre, sans le carcan des productions plus traditionnelles. Quoi de mieux qu’Espace libre, alors, et ses fameuses banquettes en guise de fauteuils, pour explorer cet (ou ces) univer(s)?
Allumés, éclatés, dynamiques, ces jeunes comédiens – ce journaliste se sent bien vieux, tout d’un coup, alors qu’il s’écrivait probablement la même chose à propos des acteurs et actrices de sa propre génération, il y a quelques années à peine – proposent ainsi un amalgame de textes à saveur humoristique.
Pleurs n’offre ainsi que bien peu de moments pour reprendre son souffle; sur scène, on chantera, on dansera, et, surtout, on fera défiler une série de concepts et d’idées dont on se moquera parfois bien gentiment, et autrement de façon un peu plus mordante.
À preuve, par exemple, cette charge contre les influenceurs du web, souvent prêts à tout pour obtenir des clics, ou encore cette idée que la sexualité doit obligatoirement tendre vers l’extrême, surtout chez les jeunes.
On rira aussi, encore et encore, de l’aspect parfois clinquant de ces cérémonies funèbres, avec chanson(s) à l’appui. Qui n’a pas envie, après tout, d’entendre une reprise d’Au bal masqué en version mélodrame, alors que les personnes présentes sur scène sont faussement terrassées par la peine?
Cela étant dit, Pleurs s’appuie sur une série de concepts humoristiques qui, bien que généralement brillants sur papier, semblent s’étioler bien rapidement une fois que l’on tentera d’y donner un peu plus de corps. L’idée, par exemple, de la chanson joyeuse interprétée de façon absurde, durant un enterrement, est rigolote, mais fallait-il la présenter à deux reprises, et pendant de longues minutes à chaque occasion?
Par ailleurs, le public constatera rapidement que l’humour de la pièce est binaire, c’est-à-dire que soit il fait mouche presque à tous les coups, soit le spectateur finira par trouver le temps long. Et la faute n’en est certainement pas au jeu des comédiens, qui se « donnent » tous pour la cause, si l’on peut dire. Mais il n’en reste pas moins que Pleurs rate probablement l’objectif de plaire au plus grand nombre.
Oeuvre bigarrée, oeuvre portée par des gens passionnés, mais aussi oeuvre qui semble parfois s’essouffler, Pleurs demeure une étape importante pour ces comédiens et comédiennes qui sont certainement appelés à fouler de nouveau les planches d’ici lors des prochaines années.
Pleurs, écrit et interprété par Mehdi Agnaou, Zoé Boudou, Anne-Sarah Charbonneau, Simon Duchesne, Fabrice Girard, Laurence Laprise et Caroline Somers
Mise en scène de Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau
À Espace libre jusqu’au 12 avril