L’année vient à peine de commencer que le prolifique cinéaste Steven Soderbergh offre déjà Black Bag, sa deuxième proposition avec le scénariste David Koepp, à des lieux de l’univers de Presence. Un suspense d’espionnage aussi amusant que moderne, qui réserve bien des surprises à ceux qui auront la patience requise pour rester jusqu’à la fin.
Toujours dans le suspense et la nervosité, et revenant dans quelque chose de plus techno dans le contexte plutôt que dans la technique, le duo Soderbergh-Koepp retrouve la forme avec cette troisième collaboration, grâce aux silences et aux non-dits. En favorisant ainsi l’intelligence plutôt que des symboliques un peu lourdes, l’équilibre s’avère bien plus convaincant dans les secrets plutôt que dans les fantômes.
D’abord convenues, ces retrouvailles avec des piliers de films précédents, en plus de l’ajout de nouveaux venus, semblent assez classiques. Après tout, la certaine monotonie du rythme du réalisateur n’est jamais très loin, comme il demeure maître d’orchestre presque absolu de sa création, en s’assurant comme toujours de ses images et de son propre montage sous ses pseudonymes plus trop secrets.
Néanmoins, renouer avec Cate Blanchett (The Good German) fait du bien, puisqu’elle s’ajuste à toutes les époques et l’espionnage, que ce soit d’hier ou d’aujourd’hui, lui va comme un gant.
Fassbender, pour sa part, semble à nouveau piégé dans l’élégance, la minutie et la perfection, comme c’était le cas dans le Haywire du même réalisateur ou, plus récemment, dans The Killer de David Fincher. Impeccable comme à ses habitudes, sa performance est continuellement relevée de par sa chimie indéniable avec ses partenaires de jeu.

De fait, les nouveaux venus dans la famille Soderbergh, de Naomie Harris à Tom Burke, en passant par Regé-Jean Page, Marisa Abela et Gustaf Skarsgaard (et oui, un autre de la famille!), nagent tous comme des poissons dans l’eau dans ce scénario bien ficelé où les répliques piquent et les revirements surprennent. De plus, impossible de ne pas sourire alors qu’au même titre que Harris, Pierce Brosnan renoue également avec le genre de l’espionnage, tous deux ayant évidemment incarné des rôles clés dans la saga des James Bond. Comme quoi, on s’est aussi bien amusé en sélectionnant les comédiens.
Juste assez de gadgets et de filatures sont au menu, mais c’est le soin apporté aux liens unissant les personnages principaux qui viendra pimenter le long-métrage et capter notre attention, jusqu’aux révélations finales. Dans un jeu du chat et de la souris où on n’est jamais trop certain de qui tire les ficelles, on met grandement l’accent sur l’aspect divertissement.
Certes, la table est mise dès le départ – dans tous les sens du terme –, lorsque notre couple, dont la confiance est mise en péril lorsqu’une accusation de traîtrise est soulevée, décide d’inviter à souper collègues et amis. Rapidement, les politesses sont mises de côté, les discussions s’enflamment et les tensions se multiplient, alors que tous ont visiblement plusieurs squelettes dans le placard.
C’est dans cette maîtrise habile des doutes, qu’on manipulera jusqu’à la toute fin, que le film s’avérera certainement le plus efficace, la trame sonore du fidèle compositeur David Holmes aidant certainement le menu.
Certains coins seront rondement coupés, Koepp oblige (beaucoup plus verbeux, néanmoins, et réaliste, que lorsqu’il avait co-écrit le premier film inspiré de la télésérie Mission: Impossible), mais le film aura l’honneur de se rehausser en seconde partie, prouvant que toutes les pièces qu’on plaçait en premier lieu étaient plutôt pour mieux faire couler l’ensemble.
C’est, après tout, au moment où l’on croit que le thriller stagne et fait un peu de surplace qu’il se redresse avec le plus de ferveur, enclenchant, telle la mèche d’un bâton de dynamite, une course contre la montre qu’on ne pourra plus arrêter jusqu’au début du générique.
Black Bag, aussi prestigieux dans son contenant que son contenu soit-il, ne réinvente pas la roue, donc. Et si l’approche est plus chic et pince-sans-rire aux premiers abords, cette énième variation sur tous les Mr. & Mrs. Smith de ce monde divertit avec la plus grande aisance.
7/10
Black Bag prend l’affiche en salle ce vendredi 14 mars.