Il y a une quinzaine d’années, le corps de Coralie s’est ouvert à une étrange intrusion. Elle qui ne s’ouvre intimement qu’aux femmes et déclare détester qu’on entre en elle a vu sa vie basculer quand elle avait seulement 22 ans. Un violent mal de ventre l’a menée à l’hôpital. Même si cette douleur a rapidement disparu, le monde médical s’est inquiété de masses repérées dans son abdomen. C’est peut-être une infection, un cancer… ou peut-être n’est-ce rien. Le risque zéro n’existe pas, rappelle la pièce Corps ouverts.
Cette prise en charge de Coralie n’apaise pas son anxiété. Elle était déjà hyper active, faisait des crises de panique et avait de multiples TOC. Sa prise en charge par le monde médical, qui lui impose des quantités de tests, analyses, opérations, scans et autres investigations la plupart du temps pénibles voire carrément douloureuses, la fait en tout cas réfléchir sur l’univers de la médecine, de la pharmacologie et des transplantations.
Car Coralie a reçu un don d’organe. Un mystérieux inconnu, mort à 51 ans, lui a permis sans le savoir de lui fournir un nouveau foie. Coralie vit avec le foie d’un homme à qui elle doit sans doute la vie, un homme qu’elle a surnommé Marcel. Et cette transplantation fait de Coralie une malade à vie, menacée pour toujours par un rejet dudit organe, en observation et sous médication jusqu’à la fin de ses jours.
C’est ce parcours et cet ensemble de réflexions philosophiques que propose le spectacle Corps ouverts, écrit par Coralie Lemieux-Sabourin, à partir de sa propre expérience.
Trois très bons acteurs endossent de multiples rôles. Il y a celui de Coralie, bien sûr, mais aussi ceux des médecins, infirmiers, chercheurs du passé et du présent…, tous directement ou indirectement intéressés par le cas de Coralie. Et il y a enfin Marcel, ce donneur inconnu de 51 ans, que Coralie est bien obligée de fréquenter et d’apprivoiser, voire d’aimer, si elle veut s’aimer elle-même.
Le spectacle est rondement mené. Pour le spectateur, le moment est joyeux, décalé, frôlant l’absurdité. Il va de soi que le sujet est très grave et que les épreuves passées et présentes de Coralie sont loin d’être enviables. Mais l’autrice a pris le parti de distraire son public et d’adopter une posture d’autodérision qui lui fait honneur et qui épargne le monde médical. Celui-ci effectue son travail et le fait le mieux qu’il peut. Mais ses acteurs ne font pas toujours preuve de la plus grande délicatesse à l’égard des patients qui se retrouvent face à eux en état de fragilité extrême, pas seulement physique, mais aussi et peut-être surtout psychologique.
Corps ouverts
Texte, idéation et mise en scène : Coralie Lemieux-Sabourin
Collaboration à la mise en scène : Mélodie Noël Rousseau
Avec : Sébastien Gauthier, Geneviève Labelle et Amélie Prévost
Scénographie : Anne-Sara Gendron
Costumes : Audreyline Lanoix
Corps ouverts, du 25 février au 15 mars, au théâtre Prospero