Que serait-il arrivé aux dinosaures si, il y a 65 millions d’années, l’astéroïde n’avait pas percuté la Terre? Auraient-ils continué de dominer la planète pendant une autre centaine de millions d’années? Auraient-ils même pu évoluer pour donner naissance à des créatures plus intelligentes?
Les deux questions ont donné lieu à des réflexions tout à fait sérieuses chez les paléontologues. La deuxième, de loin plus spéculative, a même donné lieu à un document de travail en 1982, co-signé par le paléontologue spécialiste des dinosaures Dale Alan Russell, qui travaillait alors à ce qui s’appelait le Musée national des sciences naturelles du Canada, à Ottawa.
La vraisemblance de cet « hypothétique dinosauroïde » a été souvent rejetée, notamment en 2023 dans un article formel pondu par un anatomiste et neurobiologiste de l’Université du Tennessee. Mais dans un article récent, le magazine américain de vulgarisation Live Science s’est amusé à réexaminer ce qu’il y avait de vraisemblable et de moins vraisemblable dans ces réflexions.
Il faut tout d’abord rappeler que lorsqu’est arrivé l’astéroïde qui a mis fin à 75% des espèces animales, incluant les dinosaures, ceux-ci étaient là depuis plus de 150 millions d’années. Ils étaient suffisamment diversifiés pour avoir survécu à toutes sortes de bouleversements. Par conséquent, résume aujourd’hui le paléontologue Steve Brusatte, de l’Université d’Edimbourg, rien n’empêche d’imaginer qu’ils auraient pu survivre à une autre centaine de millions d’années.
Des humains? Où ça?
Dans un tel scénario, il est certain que l’Homo sapiens n’aurait pas émergé. Nous devons notre existence au fait qu’un monde de mammifères a remplacé celui des reptiles, après la catastrophe cosmique. Du point de vue de l’évolution biologique, « nous ne sommes pas inévitables », résume dans Live Science le paléontologue et biologiste Paul Sereno, de l’Université de Chicago.
Par contre, est-ce qu’un de ces reptiles aurait pu devenir intelligent? Dans le document de 1982, Russell s’était adjoint les services de l’artiste Ron Séguin, qui avait imaginé une créature semi-humanoïde (ou « dinosauroïde »), et c’est cette image qui est devenue plus célèbre que l’article scientifique lui-même: en partant du Stenonychosaurus inequalis — un vrai dinosaure, celui-là — qui possédait « un gros cerveau, une vision stéréoscopique, des pouces opposables et une stature de bipède », Russell avait tenté d’imaginer ce à quoi ses descendants auraient pu ressembler, s’ils avaient bénéficié de quelques dizaines de millions d’années de plus.
Au fil des années, l’idée a été rejetée, parce qu’elle s’appuie trop sur la prémisse qu’une créature intelligente devrait nécessairement évoluer vers une apparence humanoïde: après tout, nous sommes ce que nous sommes parce que nous descendons, nous, de primates. Quant aux oiseaux, qui descendent directement des dinosaures, ils ont parmi eux des espèces qui ont révélé une forme d’intelligence et un réseau de neurones très complexe. Où en seront-ils dans quelques dizaines de millions d’années?