« C’est un peu le roman que je n’ai jamais écrit! » Celle qui vient de lancer cette phrase juste avant d’éclater de rire, c’est Josiane Cossette. La rédactrice, autrice et scénariste vient de faire paraître, aux éditions Somme toute – Le Devoir, Raccomodements raisonnables, un recueil de ses chroniques parues depuis quelques années dans les pages du quotidien montréalais. Rencontre.
Dans la lumière filtrant à travers les fenêtres d’un restaurant du Plateau-Mont-Royal quelque peu bruyant, à l’heure du dîner, la quarantenaire revient ainsi le sentiment qui l’habite alors qu’elle tient entre ses mains le résultat bien concret de tous ces coups de gueule, ces appels à la collaboration… Bref, ces « chroniques (parfois dures) au coeur tendre », comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage.
« C’est cela qui est particulier, quand un recueil comme celui-ci existe, c’est que l’on voit la masse et la pensée cohérente qui a fini par s’esquisser sans plan », mentionne Mme Cossette lors de son entretien.
« J’écrivais, avant, mais j’ai commencé à le faire plus sérieusement durant la pandémie. Au début, c’était de la folie; je pouvais recevoir plusieurs notifications par minute. Certains de mes statuts (sur les réseaux sociaux, NDLR) pouvaient circuler jusqu’à plusieurs milliers de fois. »
De l’avis de l’autrice, « c’est comme si l’écriture était devenue un exutoire; tout m’échappait, j’étais devenue impuissante. Dans le tumulte, ma cure, c’était de me surinformer, pour essayer de comprendre, essayer d’avoir prise. Tout cela, en restant près de ce que je vivais, ce que je traversais. C’est un peu comme si j’avais ce double rôle qui consistait à nommer nos sentiments intérieurs, et de montrer du doigt ce qui ne fonctionnait pas nécessairement, parce que nous avions un gouvernement – nous avons un gouvernement, encore aujourd’hui, qui est en réaction ».
C’est donc dans une atmosphère d’anxiété généralisée, face à l’inconnu de la COVID-19, que Josiane Cossette a commencé à se faire un nom, notamment en remettant en question certaines décisions du gouvernement Legault à propos de la gestion de l’épineux dossier de l’éducation des enfants, surtout durant les premières vagues de la maladie.
Petit à petit, le fait de s’appuyer sur des informations fiables mises de l’avant par des experts internationaux, mais aussi sa qualité de mère de famille et de personne impliquée dans la gouvernance scolaire, a permis à Mme Cossette de se faire un nom.
Mais n’est-il pas quelque peu anachronique de se tourner vers la section opinions d’un média, qui plus est un journal papier, pour se faire entendre? « Je ne sais pas d’où est venue cette impulsion », reconnaît Mme Cossette, dont le premier texte publié dans Le Devoir, intitulé Ma fille ne retournera pas à l’école, a en quelque sorte ébranlé les colonnes du temple.
« Je pense que c’était vraiment dans l’objectif d’être entendue des décideurs », dit-elle. « Va savoir à quel point ma lettre a eu un impact, de ce côté-là… »
« Mais j’ai fait une tournée des médias, et tout cela s’est rendu en haut lieu », se souvient l’autrice. « Ça a été beaucoup, beaucoup, beaucoup lu. »
Impact dans la sphère publique
Si Mme Cosette n’a pas été contactée directement par le gouvernement, à la suite de la publication de sa première lettre d’opinion, les partis d’opposition, eux, ne se sont pas fait prier pour la joindre. Les médias non plus; le téléphone ne semble pas avoir dérougi au cours des deux premières années de la pandémie, notamment lorsque l’autrice parlait de la situation dans les écoles, dans le contexte d’une certaine omerta des travailleurs du secteur de l’éducation.
De là à vouloir sauter à pieds joints dans l’arène politique, comme l’ont fait bien d’autres chroniqueurs (et journalistes!), il y a un pas que Josiane Cossette refuse toutefois de franchir. Elle affirme en fait préférer avoir « un pied » dans la sphère médiatico-politique, mais se dit très consciente que l’exercice du pouvoir, l’administration de l’État vient avec des contraintes imputables aux institutions mêmes.
De son propre avis, s’il est facile de critiquer, elle doute franchement pouvoir faire mieux que l’équipe en place, en ce moment, si l’on tient compte de tous les facteurs influençant la gestion de la santé publique ou de l’éducation, entre autres.
Cela n’a pas empêché des formations politiques de lui proposer de porter leurs couleurs lors d’un scrutin, confie-t-elle, sans donner de noms précis.
« Il est certain que j’écris pour essayer de changer le monde; j’aimerais que les gens qui sont au pouvoir gouvernent davantage pour toute la population », affirme-t-elle.
Ces Raccomodements raisonnables pourraient n’être considérés que comme un recueil de chroniques. Une façon de marquer le coup, de ne pas condamner à l’oubli tous ces textes publiés dans un médium généralement caduc après quelques heures, voire au mieux quelques jours.
Pourtant, l’ouvrage est plus que cela; oui, on peut y trouver des instantanés d’une époque, pourtant pas si lointaine, où l’on recommandait de garder un, puis deux mètres de distance avec son prochain, et de se laver allègrement les mains. Mais c’est aussi – et surtout – un appel à créer une société plus juste, mieux éduquée, mieux informée, qui prend de meilleures décisions pour la suite des choses.
Il est clair, bien entendu, que Mme Cossette ne prétend pas avoir la science infuse, mais on peut espérer que sa voix, démultipliée dans ses nombreuses lettres publiées d’abord dans Le Devoir, puis dans ce nouveau recueil, saura influencer les décideurs des différents paliers de gouvernement, amenant ceux-ci à prendre un pas de recul et tenir compte de cet avis supplémentaire lorsque viendra le temps de prendre des décisions.
Racommodements raisonnables – Chroniques (parfois dures) au coeur tendre, de Josiane Cossette, publiée aux éditions Somme toute – Le Devoir, 281 pages