Comment reconstruire les ponts, entre les tenants de l’intelligence artificielle et une communauté artistique dont le travail a souvent été pillé pour entraîner les ChatGPT et Stable Diffusion de ce monde? Comment s’assurer que les outils technologiques servent à accompagner les créateurs, et non pas à leur couper l’herbe sous le pied? Voilà certaines des questions au coeur de la prochaine édition d’E-AI, prévue mercredi et jeudi à Montréal.
Cette déclinaison 2025 d’E-AI – pour Entertainment-AI – se tiendra ainsi au Palais des congrès, au moment où l’utilisation des outils d’intelligence artificielle suscite de très vifs débats. Mais de l’avis d’Alexandre Teodoresco, vice-président, développement stratégique et innovation du collectif Les 7 Doigts, et coprésident d’E-AI, il est certainement possible de trouver un terrain d’entente.
Au bout du fil, M. Teodoresco reconnaît que l’IA, dans le domaine artistique, « est vraiment un sujet polarisant ».
« Je pense que c’est le cas dans la plupart des moments, dans notre histoire, où il y a eu des innovations technologiques qui ont vraiment remis en question nos façons de faire de l’art. Ce n’est pas la première fois où nous nous trouvons dans cette situation », affirme-t-il, en évoquant notamment l’émergence des enregistrements musicaux, l’apparition de la photo…
« Je pense que l’important, c’est de se dire qu’on va traverser cette épreuve-là, collectivement, et qu’on va trouver un point d’équilibre en ce qui concerne les modèles économiques. C’est une certitude. »
Toujours de l’avis de M. Teodoresco, il est essentiel que la communauté artistique « soit à la table des discussions, là où se prennent les décisions », mais, en même temps, « d’être le plus ouverts possible quand il est question des opportunités qui se présenteront ».
Le coprésident de la conférence estime d’ailleurs que « par le passé, les sociétés qui ont uniquement adopté une position de refus de l’innovation technologique se sont plutôt retrouvées dans le camp des perdants ».
« Au Québec, je souhaite que l’on demeure parmi les plus innovants au monde, en ce qui concerne nos industries créatives », ajoute-t-il.
« Chez E-AI, nous essayons de mélanger les divers métiers créatifs et les compagnies de technologie et les chercheurs, en plus de nous tourner vers des pionniers internationaux pour savoir ce qui se fait ailleurs », indique M. Teodoresco.
Celui-ci dit d’ailleurs avoir « très hâte » d’avoir des « discussions très importantes avec des experts sur le droit d’auteur, les copyrights, ce que tout cela veut dire à une époque de création possiblement automatisée, de la paternité des oeuvres numériques… ».
Un séisme depuis 2022
Trois ans, c’est habituellement peu. Mais dans le domaine de l’intelligence artificielle, c’est une éternité; depuis la première édition d’E-AI, en 2022, le milieu a ainsi connu plusieurs révolutions.
« Quand on a tenu la première édition, c’était avant ChatGPT. Nous avions dû creuser, en 2022, pour trouver des cas d’usage inspirants et intéressants. Et c’était encore très, très niché, notre domaine. Aujourd’hui, ce qui nous intéresse, ce sont les modèles de langage, mais aussi les modèles de diffusion, c’est-à-dire tout ce qui tout à l’image. »
Ce qui a changé depuis trois ans, outre l’émergence de ces modèles, explique M. Teodoresco, « c’est la conscience collective du milieu ».
« Lorsque nous regardions des outils comme Midjourney, aux débuts, les artistes ne prenaient pas ça au sérieux. Mais il y a eu une prise de conscience de la vitesse de progression de ces modèles. Il y a donc eu plusieurs phases de prise de conscience collective. »
Le coprésident d’E-AI affirme aussi que le public, en général, est maintenant plus réceptif envers ces outils d’IA, « après une couverture médiatique, au départ, qui était assez catastrophiste ».
Dans cette perspective, où certains membres de diverses communautés (scientifique, technologique, créative, etc.) font preuve d’un « optimisme prudent », dit M. Teodoresco, la conférence prévue mercredi et jeudi à Montréal attire un grand lot de curieux.
« Nous devrions atteindre le millier de participants; ça montre l’engouement du milieu pour ce sujet-là », ajoute-t-il, lui qui estime qu’E-AI est le seul événement du genre au pays, en ce moment.
« Je trouve ça vraiment agréable que cela se déroule à Montréal; je crois que cela renforce notre positionnement comme métropole créative et innovante. »