Au moment où le Texas vit sa pire éclosion de rougeole en 30 ans, dans l’État voisin, la Louisiane, le département de la Santé local annonce qu’il cessera de promouvoir les campagnes de vaccination et encouragera les parents à choisir eux-mêmes.
Au Texas, cela avait commencé le 30 janvier par deux enfants d’un comté de l’ouest. Le 7 février, on était rendu à 14 cas, et le 14 février, à 48. Tous sont non vaccinés, précise le ministère de la Santé de l’État, « ou ont un statut de vaccination inconnu ». La plupart (42 sur 48) ont moins de 18 ans. Treize ont été hospitalisés. Le point de départ semble associé à une ou des écoles religieuses du comté de Gaines.
Ce comté compte 18% « d’exemptions », c’est-à-dire 18% des parents qui ont demandé à ce que leur enfant ne soit pas vacciné. À travers les États-Unis, ces demandes d’exemptions sont souvent pour des raisons religieuses et au Texas, elles ont doublé entre 2018 et 2024, rapporte le Texas Tribune.
Celui-ci avait par ailleurs révélé le 27 janvier que les élus du Texas avaient reçu, avant même le début de la nouvelle session, deux semaines plus tôt, 20 projets de loi qui visent tous à affaiblir, de différentes façons, les obligations vaccinales: par exemple, pour faciliter la tâche aux parents qui veulent demander une exemption, ou pour donner aux élus le dernier mot quant aux vaccins offerts à l’école. Certains de ces projets de loi concernent aussi les vaccins contre la COVID.
La rougeole est une maladie très contagieuse qui provoque un taux d’hospitalisation élevé: à travers les États-Unis en 2024, 40% des 245 cas de rougeole recensés par le Centre de contrôle des maladies (CDC) avaient entraîné un séjour à l’hôpital. Si le total des cas est peu élevé, c’est grâce à la vaccination: avant l’introduction d’un vaccin en 1963, le nombre d’infections aux États-Unis était de 3 à 4 millions par année; au tournant du millénaire, il se mesurait plutôt en dizaines. À tel point qu’en 2000, la rougeole avait été déclarée « éliminée » du territoire américain.
Avant l’époque des vaccins, on estimait que la rougeole provoquait une pneumonie dans un cas sur 20, une encéphalite (ou saignements du cerveau) dans un cas sur 1000, et qu’une à trois personnes sur 1000 en mourait.
Des risques statistiques en augmentation
Statistiquement, plus le taux de vaccination diminue, et plus augmente le risque statistique qu’une personne contaminée en infecte une qui n’a pas été vaccinée. Le taux de vaccination chez les enfants qui entrent à la maternelle au Texas était de 97% au début de l’année scolaire 2019-2020; il était de 94% en 2023-2024, mais il est beaucoup moins élevé dans certains comtés. Et ce qui se passe au Texas va tôt ou tard se produire dans certains États: en Georgie et au Wisconsin, le taux de vaccination contre la rougeole (2e dose) n’est plus que de 83%. Quant à la Floride, où le taux était tombé à 88% au début de l’année scolaire 2023-2024, elle a eu dès 2023 sa loi sur la soi-disant « liberté médicale », dirigée d’abord contre les vaccins anti-COVID.
L’ouest du Texas touche à l’État du Nouveau-Mexique. Le 14 février, celui-ci déclarait ses trois premiers cas de rougeole.
C’est dans ce contexte d’indifférence ou de méfiance croissante face à la vaccination que le département de la Santé de la Louisiane annonçait discrètement, dans un mémo obtenu par les médias locaux le 12 février, qu’il cesserait de promouvoir les campagnes de vaccination. Le médecin-chef de l’État (en anglais, surgeon general), Ralph L. Abraham, a écrit qu’il « encourageait chaque parent à discuter des risques et bénéfices » de la vaccination, mais qu’il « ne ferait plus la promotion » de la vaccination à grande échelle.
L’annonce arrive au moment où Robert F. Kennedy Jr, qui a longtemps affiché son opposition à la vaccination, vient d’être nommé secrétaire à la Santé des États-Unis. Mais les observateurs voyaient venir ce changement de politique depuis des mois: en novembre, peu après l’élection de Donald Trump, les fonctionnaires du département de la Santé de la Louisiane avaient été avisés de cesser de promouvoir la vaccination contre la COVID, la grippe ou le virus mpox. La nouvelle n’avait filtré dans les médias qu’un mois plus tard. La nouvelle politique, s’étaient fait dire les fonctionnaires, sera « implantée discrètement et ne sera pas mise par écrit ». Pendant la COVID, la Louisiane avait pourtant eu un des plus faibles taux de vaccination du pays.
« Ce sont les plus vulnérables parmi nous qui vont en souffrir », avait réagi en décembre le pédiatre Paul Offit, directeur du Centre d’éducation sur les vaccins à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie. Et lorsque des enfants vont devenir malades à cause de ces décisions, « qui en sera tenu responsable? »
La Nouvelle-Orléans, plus grande ville de la Louisiane, a son propre département de la Santé, qui a rapidement répliqué qu’il continuerait, lui, à promouvoir la vaccination infantile.