Les articles et autres contenus médiatiques qui mettent de l’avant de possibles solutions, aux côtés de la réalité difficile de la crise climatique, peuvent pousser les gens à agir – du moment que ces contenus mènent le public à voir son propre rôle au sein de cette solution, révèle une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université de l’Oregon.
Cette approche journalistique vient non seulement expliquer un problème, mais met aussi de l’avant des façons de résoudre celui-ci, tout en respectant les valeurs fondamentales du journalisme. Par exemple, écrivent les chercheurs, un reportage de solutions à propos des impacts négatifs de la crise médiatique pourrait aussi mettre de l’avant un nouveau genre de véhicule électrique, ou le travail d’un groupe de militants pour le climat, comme autant de méthodes pour mitiger ces dégâts.
L’objectif? Informer, d’abord, mais aussi faire en sorte que les nouvelles soient utiles pour le public. Emmanuel Maduneme, candidat au doctorat de l’Université de l’Oregon, affirme que cette idée de « redonner du pouvoir » au public est quelque chose que les médias traditionnels ne font pas, habituellement.
Lui-même journaliste devenu chercheur s’intéressant à la psychologie des médias, M. Maduneme affirme que l’idée de s’appuyer sur les mauvaises nouvelles pour bâtir un journal ou un bulletin d’informations a poussé bien des gens à éviter de s’informer.
« L’écosystème médiatique en vigueur pousse les gens à sentir qu’ils ne peuvent rien faire pour régler la situation, et que la solution se trouve plutôt du côté de l’isoloir, lors des élections », a-t-il déclaré. « Mais vous devriez pouvoir sentir que vous pouvez agir, que vous pouvez faire quelque chose. Vous devriez sentir que vous avez le pouvoir entre vos mains. Et, en fait, le journalisme de solutions peut vous donner des façons de participer. »
Pour en savoir plus sur le journalisme de solutions, écoutez l’épisode du podcast Entretiens journalistiques avec Julia Haurio, alors rédactrice en chef d’UnPointCinq, un média climatique proposant des idées concrètes contre la crise environnementale.
Des enjeux pressants, notamment la crise climatique, génèrent ainsi une couverture médiatique qui se concentre sur la sévérité des enjeux, plutôt que sur les progrès réalisés, soutient encore M. Maduneme.
Selon lui, des idées portant sur les solutions peuvent être mises de l’avant, histoire de présenter un portrait plus complet qui suscite l’espoir et pousse à agir.
Le chercheur soutient cependant que l’efficacité de cette méthode n’a pas suffisamment fait l’objet de travaux de recherche, notamment à savoir si cette façon de faire pousse réellement le public à changer ses comportements, surtout dans le contexte de la crise climatique.
En collaboration avec le professeur adjoint Alex Segrè Cohen, M. Maduneme indique avoir effecté un coup de sonde pour faire la lumière sur l’efficacité de l’approche se concentrant sur les solutions, plutôt que la méthode traditionnelle qui s’articule autour des problèmes.
Les conclusions de cette enquête ont été publiées dans le journal scientifique Environment and Behavior.
Le négatif, et le négatif… avec des solutions
Ensemble, les deux chercheurs ont interrogé plus de 400 adultes américains en leur faisant d’abord lire un article à propos de la façon dont les inondations, exacerbées par la crise climatique, affectaient une communauté du Connecticut.
La moitié des participants ont lu une version du texte qui mettait de l’avant l’efficacité d’un nouveau système de contrôle des inondations; l’autre moitié a eu droit à un texte sans cette solution.
Les participants ont ensuite répondu à une série questions à propos des sentiments suscités par l’article, leur confiance envers les efforts collectifs contre les changements climatiques, et s’ils envisageaient d’adopter des comportements pro-climat, comme donner de l’argent à une organisation environnementale.
Les auteurs de l’étude ont découvert que ceux qui avaient lu l’article orienté vers les solutions tendaient à avoir une attitude plus positive que ceux ayant consulté la version traditionnelle du texte. Ces émotions positives leur ont aussi donné une impression plus importante de l’efficacité des gestes collectifs, les poussant davantage à agir.
En d’autres termes, mettre de l’avant des solutions aidait à faire en sorte que les participants adoptent une vision positive des choses, et estiment avoir le pouvoir d’agir, les poussant à joindre leurs efforts à ceux de la collectivité.
Voilà le pouvoir de l’appel à l’acte, estime M. Segrè Cohen.
Cela ne veut pas dire, toutefois, que les histoires s’articulant autour des solutions, à elles-mêmes, sont capables de pousser le public à agir de façon plus « verte ». Dans certains cas, les chercheurs ont constaté que le journalisme de solutions poussait à l’inaction. Cela pourrait s’expliquer, disent-ils, par le fait que lire un article à propos de quelqu’un d’autre qui règle un problème pourrait pousser des gens à conclure que le problème en question est chose du passé.
« Le bon journalisme de solutions laisse toujours de l’espace pour davantage de gestes », soutient M. Maduneme.
Les chercheurs sont aussi très clairs: ce ne sont pas tous les sujets qui nécéssitent d’être traités sous l’angle du journalisme de solutions, pas plus que cette méthode soit synonyme de bonnes nouvelles. Oui, dit M. Maduneme, il y a de la place pour des sujets qui font chaud au coeur, mais le journalisme de solutions correspond plutôt à une approche du « verre à moitié plein », qui consiste à rapporter correctement l’ampleur du problème, et les solutions qui existent pour le régler.
« Il n’y a pas de solution sans problème; alors, si vous n’expliquez pas le problème correctement, vous ne pouvez pas parler des solutions. »