Avec Suivra le néant, son deuxième album relatant l’histoire d’une mère monoparentale qui rénove un hôtel du Bas-Saint-Laurent en proie à de mystérieux phénomènes, Mireille St-Pierre confirme qu’elle possède une voix unique dans le paysage de la bande dessinée québécoise.
Trous dans la toiture et les murs, fenêtres cassées, peinture s’écaillant, marches grinçantes, portes qui ferment mal, plus d’eau courante: l’Hôtel Blanc Roc, situé au Bas-Saint-Laurent, a définitivement connu des jours meilleurs.
Lucie, une mère monoparentale, s’est lancé corps et âme dans la rénovation de l’établissement, qui appartenait jadis à sa famille et qui tombe désormais en ruines, mais devant l’ampleur des travaux, qu’elle effectue seule puisqu’elle refuse toute forme d’aide, même celle de sa jeune fille Estelle, son intention d’accueillir des clients à l’automne semble de plus en plus irréaliste.
Un soir, en pleine panne d’électricité, un homme nu et blessé s’échoue sur la grève. Peu bavard, l’inconnu confie qu’il se nomme Marius, et en sa présence, les phénomènes mystérieux se multiplient. Se pourrait-il que cette vaste demeure, où retentissent des voix désincarnées, soit hantée?

Après La brume, une œuvre très touchante portant sur sa propre expérience de deuil périnatal, Mireille St-Pierre signe un deuxième album tout aussi personnel avec Suivra le néant.
Bien que le récit tourne autour d’une maison hantée et compte quelques éléments surnaturels ici et là, on est bien davantage en présence d’un drame psychologique que d’une histoire d’horreur, et l‘auteure utilise surtout le fantastique pour tisser une fable autour de la dépression, alors que le piteux état de l’Hôtel vient symboliser le délabrement intérieur de son personnage principal.
Au-delà des manifestations paranormales, le thème principal de la bande dessinée est avant tout la relation, pas toujours évidente, entre une mère monoparentale et sa fille, la peur de reproduire les patterns de ses propres parents, ainsi que le repli sur soi-même.

Doté d’une certaine naïveté, le style visuel de Mireille St-Pierre, avec ses formes épurées, produit des illustrations agréables à l’œil. Même s’ils n’ont que des points en guise d’yeux, les visages de ses protagonistes s’avèrent étonnamment expressifs.
Très atmosphérique, le livre compte de nombreuses planches sans paroles, qui transmettent à merveille la solitude des lieux et le côté paisible de la nature que la jeune Estelle, perchée dans son arbre, observe. La coloration n’utilise qu’une teinte à la fois, la plupart du temps du bleu.
L’artiste aime s’attarder sur certains détails de l’environnement, qu’elle isole dans leurs propres cases, et elle fait preuve d’un excellent sens de la composition, plaçant une petite image flottant au milieu d’une page blanche tandis que d’autres prennent toute la place, ce qui impose un rythme au lecteur.
Suivra le néant n’est vraiment pas une histoire de maison hantée comme les autres. Si vous aimez les bandes dessinées atmosphériques misant avant tout sur le drame intérieur des personnages, vous tomberez sous le charme de cet album.
Suivra le néant, de Mireille St-Pierre. Publié aux éditions Nouvelle adresse, 328 pages.