« Nous enverrons des astronautes américains planter [notre] drapeau sur la planète Mars », a déclaré Donald Trump lors de son discours inaugural, le 20 janvier 2024, dans un passage où il était question d’expansion territoriale et de « destinée manifeste ». S’agit-il d’un rêve plausible à court terme?, se demande le Détecteur de rumeurs.
Dans le discours en question, aucune date n’était mentionnée. Par contre, au cours de la campagne électorale, en octobre, Trump avait affirmé que cela se produirait pendant son mandat. Quant à son nouveau proche conseiller, le milliardaire Elon Musk, il a souvent fait des prévisions exagérément optimistes: déjà en 2016, il annonçait pour 2022 une première mission vers Mars de sa compagnie SpaceX, sans équipage, et les premiers astronautes en 2024.
Quels sont les obstacles technologiques?
SpaceX a jusqu’ici effectué sept vols d’essai de sa fusée géante, appelée Starship (ou jusqu’à récemment, Super Heavy). La compagnie a également obtenu de la NASA le contrat pour développer l’engin qui ira se poser sur la Lune avec deux astronautes, en 2027.
Sauf qu’un voyage habité vers Mars nécessiterait beaucoup plus de percées technologiques: envoyer en orbite terrestre au moins une dizaine de réservoirs de méthane et d’oxygène liquide dont la fusée aura besoin pour son long voyage; développer un système de support de vie qui fonctionnera sans failles pendant deux ans; des combinaisons spatiales adaptées à l’environnement martien; des abris martiens contre les radiations; et possiblement, un système pour extraire de l’oxygène de l’atmosphère martienne afin de ravitailler les réservoirs pour le voyage de retour. La distance moyenne Terre-Lune est de « seulement » 384 000 km, alors que la distance moyenne Terre-Mars est de 62 millions de km.
Qui va payer?
Pour l’instant, une partie du budget de la NASA est occupée par le retour sur la Lune: la mission Artemis 2 en orbite lunaire, prévue pour l’automne 2025 avec un astronaute canadien à son bord, et les alunissages d’Artemis 3, 4 et 5, entre 2027 et 2029. Même si des compagnies privées sont impliquées, la NASA reste celle qui paie les factures. Or, dans son dernier budget, cette agence gouvernementale a subi une coupe de 2%. Insérer une mission martienne dans les quatre prochaines années signifierait donc de considérablement retarder ces missions, voire de les annuler.
Abandonner la Lune?
Les observateurs n’ont pas manqué de remarquer que, s’il a parlé de Mars le 20 janvier, le nouveau président n’a pas du tout parlé de la Lune, alors qu’il en avait fait le coeur du programme spatial pendant son premier mandat. Le nouveau grand patron de la NASA, s’il est confirmé par le Sénat, sera le milliardaire Jared Isaacman, qui est allé deux fois en orbite à bord d’une capsule de SpaceX et est décrit comme un « proche associé » d’Elon Musk.
Isaacman aurait l’autorité pour mettre fin au développement de la coûteuse fusée Space Launch System de la NASA, mais cela ne changerait pas le fait que les fusées privées sont encore loin d’être prêtes pour la Lune, encore moins pour Mars. Le nouvel administrateur pourrait aussi choisir de mettre carrément fin au programme lunaire, mais cela se traduirait, pour SpaceX, par une perte du contrat de 4 milliards$ pour développer l’alunisseur.
Le contexte cosmique
La Terre et Mars sont au plus près l’une de l’autre tous les 26 mois, ce qui correspond aux « fenêtres » idéales pour un lancement. La prochaine sera à l’automne 2026, la suivante en décembre 2028.
Verdict
Un voyage habité vers Mars d’ici 2028 est très improbable, dans l’état actuel de la technologie. De plus, dans l’état actuel des budgets, pour qu’un tel voyage se produise dans un futur proche, il faudrait sacrifier les prochaines missions lunaires.