Ce n’est certainement pas dit qu’Équiterre, qui milite depuis belle lurette pour l’électrification des transports et le remplacement des voitures à essence par des modèles électriques, baissera les bras à la suite du retour au pouvoir de Donald Trump, farouchement opposé aux politiques « vertes ».
De l’avis de Blandine Sébileau, analyste en mobilité durable au sein de l’organisation, il y a plutôt fort à parier que cette deuxième administration Trump ne réussira pas à stopper la transformation de l’industrie automobile. Du même souffle, Équiterre demande aussi aux fabricants de réduire les prix des ces voitures.
« Le moment n’est pas passé; nous sommes en plein dedans, en fait », soutient Mme Sébileau en entrevue téléphonique avec Pieuvre. « Effectivement, il y a eu pas mal de remue-ménage, dernièrement », reconnaît-elle toutefois, en parlant de l’annonce récente de la fin du programme fédéral d’aide à l’achat de véhicules électriques. Au Québec, la diminution des sommes versées pour l’achat de tels véhicules est connue depuis plus longtemps.
« On parle d’une pause [de la subvention] au niveau provincial, mais c’est vrai que les deux annonces, coup sur coup, on fait couler beaucoup d’encre. »
L’analyste d’Équiterre précise cependant que « la situation est différente, avec les États-Unis, puisqu’ici, il y a déjà des normes en place » pour assurer qu’une portion croissante des véhicules offerts, chez les concessionnaires, soient électriques. Le tout pour respecter l’engagement visant la fin de la vente de voitures neuves à essence en 2035.
Toujours selon Mme Sébileau, l’électrification des véhicules va bon train, au Québec, où « plus d’une vente sur trois est un véhicule ne fonctionnant pas à l’essence ».
« Il faut rappeler que les subventions ne sont pas éternelles; il s’agit de convaincre les gens de choisir un véhicule électrique, plutôt qu’une voiture à essence qui va polluer pendant encore 15 à 20 ans… Au Québec, ce changement est déjà en marche, ça se passe très bien. On est même en avance de deux ans sur les cibles provinciales », dit-elle.
Au Canada, les choses vont moins bien, concède Mme Sébileau, « mais la réglementation est aussi en place depuis moins longtemps », dit-elle.
À l’encontre des idées reçues
Chez Équiterre, on prévoit que même chez le voisin américain, maintenant plongé dans la tourmente, les constructeurs automobiles n’inverseront pas la marche vers l’électrification des dernières années.
Pourquoi? Parce que, soutient Mme Sébileau, l’adoption de nouvelles normes, effectuée sous le président Joe Biden, a poussé les constructeurs à déjà repenser leurs véhicules. Et tout ce travail ne s’annule pas en criant ciseau. De fait, au moment de la victoire de Donald Trump, en novembre dernier, le New York Times rapportait que plusieurs de ces entreprises réclamaient le maintien des normes pour favoriser la production et la vente de voitures plus vertes
Et à la fin octobre 2024, de passage à Montréal, Shane Peever, vice-président aux ventes, service et marketing chez GM Canada, était du même avis.
« Nous avons une vision, chez GM, de zéro émission, zéro congestion et zéro accident, et nous voulons arriver à l’électrification entière d’ici 2035. Nous avons les produits pour y parvenir », déclarait-il en entrevue avec Pïeuvre.
De toute façon, soutient Mme Sébileau, « concevoir et fabriquer de nouveaux modèles de voitures prend du temps ». Modifier les chaînes de montage, ajuster la fabrication des pièces et leur approvisionnement, etc. Y aura-t-il vraiment un retour en arrière après huit ans de normes plus vertes sous Obama, puis quatre ans sous Biden, malgré l’interlude Trump entre 2016 et 2020? Sabine Sébileau en doute grandement.
« Ils ont investi des milliards de dollars; les nouveaux modèles, ça se planifie des années à l’avance », ajoute-t-elle. Et les constructeurs « vendent ailleurs: en Europe, en Amérique du Sud… Et donc, ils n’ont pas intérêt à ce que ça change de façon draconienne ».
Mais même si l’électrification se poursuit, Équiterre juge que les fabricants doivent lever le pied et se concentrer sur l’accessibilité de leurs véhicules, plutôt que de gonfler leur marge bénéficiaire. Équiterre souhaite que les constructeurs facilitent d’eux-mêmes cette transition, plutôt que de s’appuyer sur des subventions gouvernementales à l’avenir incertain.
Heureusement, mentionne-t-on par voie de communiqué, certaines compagnies ont déjà commencé à agir. On donne ainsi, comme exemple, les noms de Chevrolet, Hyundai, Kia, Nissan, Ford et Volkswagen.
Et pour la suite des choses? Blandine Sébileau propose que le montant des subventions pour l’achat de véhicules électriques soit plutôt redirigé vers le financement du transport collectif, ce qui mènerait au retrait de davantage de véhicules des routes, réduisant d’autant la pollution, la congestion et l’usure des infrastructures.
Enfin, Équiterre réitère son appel à la mise en place d’un système de bonus-malus pour les véhicules, les redevances permettant de financer le soutien aux véhicules électriques, le tout à coût nul pour l’État.