Pour une petite production indépendante, The Thaumaturge ne manque pas d’ambitions, et si vous aimez les jeux de rôle originaux et différents, vous apprécierez son expérience narrative possédant de multiples embranchements ainsi que ses combats au tour par tour nécessitant une bonne dose de stratégie.
Wiktor Szulski est un thaumaturge. Grâce à ses pouvoirs magiques, ce « docteur de l’âme » est en mesure d’identifier les failles gravées dans la psyché humaine et de découvrir les secrets cachés au creux des gens comme des lieux. En 1905, après quinze années de voyages à travers le monde ayant profondément affecté sa santé mentale et physique, Wiktor retourne dans sa ville natale de Varsovie pour les funérailles de son père, mort écrasé par l’effondrement mystérieux du mur d’un édifice. Il est alors confronté à une Pologne qui a bien changée, entre les ouvriers réclamant plus de droits, une révolte de plus en plus ouverte contre l’influence de la Russie, et l’ombre de la Première Guerre mondiale se profilant à l’horizon.
Loin de manquer d’action, The Thaumaturge est d’abord et avant tout une expérience narrative, et la qualité exceptionnelle de son écriture a tôt fait de nous happer dans sa version alternative de la Pologne. On croise plusieurs personnages ayant véritablement existé à travers l’aventure, dont le tsar Nicolas II et surtout le mythique Grigori Raspoutine, avec qui on se liera d’amitié. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de jeu, nos choix modifient en profondeur le cours du récit, et chaque décision a ses conséquences. Certaines peuvent causer la mort de plusieurs personnes, et d’autres nous bloquer des possibilités plus tard.
Même s’il saupoudre plusieurs éléments habituellement associés aux RPG à son expérience, il serait plus exact de décrire The Thaumaturge comme un jeu d’enquête, où nos habiletés surnaturelles et notre perception extrasensorielle nous laissent lire les émotions, les actions, et même les pensées que les gens ont laissées sur les objets qu’ils ont manipulés. En interagissant avec le riche monde qui nous entoure, on recueille de précieuses informations, et lorsqu’on en a accumulé assez, on peut alors tirer des conclusions nous permettant d’atteindre nos objectifs et de résoudre les différentes missions qui nous sont confiées.
En dehors de leur perception hors du commun, les thaumaturges possèdent également un autre pouvoir notable : celui de voir les Salutors, des créatures surnaturelles inspirées par les légendes slaves, moyen-orientales et judéo-chrétiennes, et dont l’apparence terrifiante évoque celle de démons lovecraftiens. Ceux-ci se nourrissent des défauts et des peurs des êtres humains qu’ils hantent, et il est possible de les « apprivoiser » et de les attacher à sa personne. On en croisera douze différents tout au long de l’histoire, et ceux-ci peuvent même nous prêter main forte lors des combats.
Dans une ville où la plus simple des querelles se termine souvent en duel, il y a évidemment des combats dans The Thaumaturge, mais ceux-ci se déroulent au tour par tour, et misent davantage sur la stratégie que les réflexes. Notre perception nous laisse anticiper les gestes des ennemis. On peut voir la file d’attente des actions affichée en haut de l’écran. Chaque attaque possède sa propre vitesse. Les plus lentes sont aussi les plus puissantes, mais elles nécessitent un temps de préparation pendant lequel l’adversaire risque de riposter. Il faut retirer toute la concentration d’un adversaire avant de pouvoir lancer une attaque puissante, qui permet de terminer l’affrontement plus rapidement.
Lire les nombreux documents parsemant la ville de Varsovie, combattre des ennemis et accomplir des quêtes accorde de l’expérience et donne des points de thaumaturgie. L’arbre des compétences est divisé en quatre sections : cœur, esprit, acte et paroles. On peut ainsi débloquer diverses habiletés (60% de chances d’infliger le double des dégâts, augmentation de notre concentration de trois points, amélioration de la perception, possibilité d’appliquer de l’agonie à un ennemi qui perdra ainsi des points de vie à chaque tour, etc.). Un niveau insuffisant dans une catégorie peut parfois bloquer la résolution d’une énigme.
The Thaumaturge est présenté dans une vue isométrique au-dessus de l’action. On ne contrôle pas le placement de la caméra, mais on peut cependant zoomer sur l’action, et apprécier les décors finement détaillés. Le jeu ne propose pas de monde ouvert, mais des petites régions fermées que l’on peut explorer à sa guise. On peut effectuer les quêtes principales et secondaires dans l’ordre que l’on souhaite, mais certaines sont limitées dans le temps, et peuvent disparaître si on ne s’en charge pas assez rapidement. Lors des dialogues, les visages en gros plan semblent parfois un peu figés, mais c’est le seul point faible de la présentation visuelle.
Foncièrement original et différent, autant par son riche univers que ses mécaniques, The Thaumaturge constitue une agréable surprise, et il est facile de recommander ce titre, trop peu connu, aux amateurs de jeux de rôle souhaitant développer leurs talents d’enquêteurs du paranormal.
7.5/10
The Thaumaturge
Développeur: Fool’s Theory
Éditeur: 11 Bit Studios
Plateformes: PlayStation 5, Windows, Xbox Series S/X (testé sur PS5)
Jeu disponible en français (textes à l’écran seulement)