Il y a cinq ans, le grand public commençait à peine à entendre parler d’une mystérieuse maladie respiratoire apparue deux semaines plus tôt en Chine. Et les experts en étaient encore à essayer de comprendre comment et à quelle vitesse ce virus pouvait se répandre. Cinq ans plus tard, si une nouvelle épidémie devait surgir, serions-nous mieux préparés?
Dans tous les bilans qui ont été publiés à ce sujet depuis un mois, la réponse à la deuxième question est « non »: la plupart des pays ne sont pas mieux préparés. Mais la réponse à la première question est plus rassurante : la probabilité d’une épidémie comparable est, à court terme, relativement faible.
C’est qu’une épidémie de cette ampleur ne se produit, historiquement, pas si souvent. Certes, les voyages en avion, la croissance urbaine et le réchauffement climatique sont aujourd’hui des facteurs qui favorisent l’apparition de zoonoses, c’est-à-dire des maladies infectieuses qui « sautent » d’une espèce animale à l’espèce humaine — comme ce fut le cas avec le SRAS-CoV2, le virus responsable de la COVID. Mais beaucoup de ces zoonoses restent limitées à une région géographique, ou bien ont des effets secondaires bénins, ou bien sont peu contagieuses — comme l’Ebola.
Ainsi, dans son édition datée du 4 janvier, le magazine de vulgarisation scientifique New Scientist fait un bilan en une dizaine d’articles de ce que la science — et la société — ont appris en cinq ans sur les coronavirus, les épidémies et les façons de les combattre — des masques aux mesures de confinement en passant par les vaccins à ARN. L’un de ces articles rappelle que le scénario idéal, à court ou à long terme, est un virus qui serait un cousin d’un virus déjà connu, aux effets la plupart du temps bénins, et qui mettrait du temps à réussir à se transmettre entre humains. C’est ce qui semble être le cas, pour l’instant, de la grippe aviaire H5N1.
Tandis que le scénario du pire serait celui d’un virus extrêmement contagieux et avec un haut taux de mortalité. Il pourrait tout autant s’agir d’un virus inconnu que d’une mutation inédite d’un virus connu, comme l’a été le SRAS-CoV2: dans les deux cas, cela voudrait dire qu’on n’aurait pas de remède, et que les dégâts pourraient être plus élevés encore qu’avec la COVID, qui a causé officiellement au moins 15 millions de morts, mais dont le bilan réel dépasse probablement les 25 millions.
Or, il se dégage des réflexions des cinq dernières années dans la communauté scientifique, deux écoles de pensée.
- L’une, que les efforts des chercheurs devraient se concentrer sur l’identification des virus d’origine animale encore inconnus mais qui infectent d’ores et déjà des humains —puisqu’ils sont susceptibles de développer une mutation qui les rendrait plus sévères ou plus contagieux.
- L’autre, que ces efforts devraient être dirigés vers l’identification des virus les plus dangereux avant qu’ils ne deviennent transmissibles aux humains. On connaît des milliers de virus qualifiés de dangereux pour différentes espèces animales, mais on a très peu de données génétiques pour être capable de cibler lesquels auraient la capacité de se transmettre aux humains.
Les deux pistes ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais, par rapport à il y a cinq ans, la deuxième piste vient désormais avec un enjeu politique : toute expérience de laboratoire visant à déterminer le risque que pose un virus sur les humains, est vue avec la plus grande suspicion, dans le contexte des théories qui ont circulé, et circulent encore, sur l’origine du virus responsable de la COVID.
La première piste, identifier les virus qui infectent d’ores et déjà les humains, implique la mise en place de mécanismes de surveillance et de suivi. Mais, comme la progression de la grippe aviaire aux États-Unis l’a démontré en 2024, de tels mécanismes peuvent se heurter à des intérêts économiques.