La poussée de croissance qui a été observée depuis un mois sur la plateforme Bluesky, se reflète aussi dans la communauté scientifique. Selon une analyse partielle des données, cette croissance était sensible depuis le début de 2024 mais aurait récemment accéléré.
Alors qu’on comptait moins de 9000 personnes identifiées comme scientifiques (sciences ou sciences sociales) au début de l’année, on serait passé à 22 000 en août et à au moins 39 000 à la mi-novembre.
Et c’est une grossière sous-estimation, conviennent les deux auteurs de cette liste, Mike Young et Lasse Hjorth Madsen. Ils n’ajoutent à leur liste qu’un chercheur dont la biographie signale une affiliation à une institution, et qui est suivi par au moins 40 autres chercheurs qui sont déjà sur la liste. Par conséquent, tous les universitaires qui sont nouveaux sur Bluesky, ou qui n’ont pas été repérés par ses collègues, échappent au radar.
Bluesky, qui n’était qu’une parmi plusieurs plateformes (Threads, Mastodon, etc.) explorées par toutes sortes de gens qui cherchaient une alternative à l’atmosphère de plus en plus toxique de X (anciennement Twitter), a soudain gagné en importance cet automne, en particulier dans la foulée de l’élection de Donald Trump. En deux semaines, la plateforme est passée de 14 à 21 millions d’abonnés (aujourd’hui 24 millions), et cette croissance a été plus visible dans certains milieux: un reportage publié le 22 novembre dans la revue britannique Nature donnait la parole à des chercheurs espérant y retrouver « le bon vieux temps » de Twitter. On y vante notamment un plus grand contrôle quant au choix de ce qui apparaît sur notre écran.
Twitter, l’ancien bastion de la science
Il faut savoir que Twitter aura été pendant plusieurs années une plateforme utilisée par de nombreux scientifiques pour échanger de l’information: une estimation faisait état d’un demi-million de chercheurs en 2022. « Je pouvais y aller pendant 15 minutes et j’apprenais quels articles étaient « tendance » en maladies infectieuses et en virologie », commentait le 20 novembre dans la revue américaine Science, le virologue Boghuma Titanji, de l’Université Emory.
Mais après l’achat de Twitter par Elon Musk en octobre 2022, et sa décision de mettre à pied les équipes de modération des contenus, des études n’ont pas tardé à montrer un impact mesurable: une montée en puissance des propos « toxiques », haineux et d’extrême-droite, et une hausse notable des messages climatosceptiques et des « super-propagateurs » de désinformation en général.
« Il était clair que l’algorithme était biaisé contre les gens qui postaient des informations factuelles et précises sur le climat », déclarait dans Science la climatologue américaine Katharine Hayhoe. Et c’est en plus des spams, des robots (ou bots) et de la pornographie, tous des contenus qui se sont multipliés sur X en 2023.
Le mauvais côté de cette évolution pourrait être que toutes les personnes influentes qui quittent X l’abandonnent à ceux qui diffusent de la désinformation et qui sont peut-être contents d’avoir tout à coup moins de voix discordantes dans leur environnement. Le contre-argument est qu’à en juger par la façon dont X a changé son algorithme, il est extrêmement difficile d’amener du contenu rigoureux et vérifié jusqu’aux yeux des gens qui aimeraient en recevoir.