Dans la lignée des nombreuses controverses entourant son récent documentaire Alphas, Télé-Québec semble être engagée dans une voie claire: essayer d’ouvrir le dialogue pour tenter de rattraper le bien-être des jeunes hommes et amoindrir les impacts de la masculinité dite toxique. Cette fois, on adopte l’angle de la fiction, avec la websérie T-REX, présentée en première devant public mardi soir, avant d’être offerte en intégralité en ligne dès vendredi.
Sorte de Les Invincibles pour la nouvelle génération, à plus petite échelle entendons-nous, la websérie nous transporte dans un chalet où trois amis d’enfance seront confrontés à leurs propres inconforts.
On y retrouve plusieurs procédés narratifs et thématiques de la série culte de François Létourneau et Jean-François Rivard, incluant des épisodes qui se déroulent pratiquement en temps réel comme dans la troisième saison. Le bédéiste amateur qu’était Carlos Fréchette est ici troqué pour ce qu’on devine être un aspirant cinéaste, avec sa vieille caméra vidéo toujours à la main.
T-REX, c’est issu des premières lettres des prénoms des membres de cette bande d’inséparables: Renaud, Édouard et Xavier.
Auréolés d’une chimie bluffante, ils sont tous les trois interprétés avec fougue et conviction par trois gros noms de la relève. Tom-Éliot Girard a ainsi toujours beaucoup de plaisir à jouer des rôles s’éloignant de sa propre personnalité; Elijah Patrice, lui, parvient à atteindre une justesse et une sensibilité qu’on n’avait pas eu la chance d’explorer jusqu’à présent.
Les deux se font toutefois régulièrement éclipser par la performance sensible et nuancée de Félix-Antoine Bénard, la révélation du film Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize.
C’est d’ailleurs majoritairement par son personnage qu’on est guidés dans ces explorations, ces doutes et ces questionnements modernes. En effet, Édouard ne sait pas trop où se situer, entre Xavier qui est homosexuel tout en refusant de l’afficher, et Renaud qui est, en apparence, l’archétype du mâle musclé et populaire.
Où est sa place? A-t-il encore du plaisir à jouer un rôle, à être quelqu’un d’autre que celui qu’il aimerait être? A-t-il encore envie de faire partie de cette bande, dont les deux autres membres ne semblent pas plus confortable que lui?
Une confrontation sera nécessaire, évidente, mais aura-t-elle lieu?
Un peu comme un long-métrage scindé en chapitres, où le budget limité n’a pas trop d’impact sur le produit fini, à l’exception de quelques problèmes du côté du son, les sept épisodes d’une dizaine de minutes divaguent dans un milieu tantôt amusant, tantôt décourageant, tantôt confrontant.
L’écriture de Louis-Philippe Vachon est souvent directe et frontale, avec un naturel et un humour à des moments où on s’y attend le moins.
C’est particulièrement vrai pour le pendant féminin du récit, qui prend vie grâce aux excellentes Arielle Mailloux et Ophélie Anna, qui font souvent espérer une série connexe qui explorerait leur réalité.
Visiblement inspirée par l’oeuvre de Xavier Dolan, grandement aidée des images lumineuses et colorées de Antoine Benhini, la réalisation de Gabriel Savignac ne donne pas nécessairement dans l’excès, mais multiplie plusieurs effets de style comme des ralentis et fait se succéder des scènes de chicane qui explosent dans presque chaque épisode.
C’est peut-être d’ailleurs ce qui finit par nuire un peu à l’exercice. Si Vachon, qui est également idéateur du projet, et Savignac, également producteur, semblent bien s’entendre, le microcosme finit par tourner un peu en rond, et dans un désir objectif de montrer sans juger, de questionner sans imposer, on se perd un peu dans le processus.
Entre beuveries et folies, l’adolescence insouciante est bien représentée, sauf que les scénarios et la réalisation ne se complètent pas toujours bien, semblant régulièrement étirer le futile et favoriser une redondance, au lieu de creuser plus efficacement dans les réflexions et les problématiques.
On aurait ainsi préféré plus d’escales, comme le très bel épisode 3, Dollar Hess, où Benoît McGinnis brille, et qui permet avec intelligence d’élargir les perspectives, sauf qu’on revient vite dans les territoires plus convenus des premiers épisodes, nous empêchant de pouvoir bien respirer en dehors du certain huis clos principal.
L’épisode 6, intitulé Chaud lapin, vient d’ailleurs un peu déconstruire par son détour ce qu’on tentait d’établir jusqu’à présent, empruntant des voies qui viendront complexifier un univers déjà fragile. Plusieurs questions légitimes sont timidement évoquées, alors qu’on passe plus de temps sur des éléments plus futiles et qu’on aurait pu écourter l’ensemble.
Enfin, via une finale glaçante qu’on voit tout de même venir, T-REX demeure une oeuvre pertinente, soignée, mais qui, malgré les limites de son format, semble s’étirer peut-être un peu trop pour son propre bien.
6/10
Les sept épisodes de la websérie T-REX seront mis en ligne ce vendredi 6 décembre sur video.telequebec.tv et sur l’application de Télé-Québec.