Le cinéaste finlandais Mikko Mäkelä a migré vers l’Angleterre pour situer son deuxième long-métrage Sebastian à Londres. Il était à Montréal pour présenter ce film sensible et souvent étonnant dans le cadre du Festival Image+Nation.
À l’instar de son titre, Sebastian joue sur les croyances et s’amuse souvent habilement entre ce que l’on croit acquis, ou évident, et les zones grises qui prennent toujours plus d’ampleur.
Après tout, ce fameux Sebastian est en fait un personnage, l’alter ego de plusieurs des écrits en construction de l’écrivain en devenir que représente le jeune poète de la mi-vingtaine Max Williamson. C’est aussi le pseudonyme qu’il utilise lorsqu’il offre ses services d’escorte à ceux qui s’intéressent à son profil majoritairement anonyme.
Au moment d’entrer dans le vif du sujet, on en sait que peu sur les véritables motivations derrière ces décisions et on découvre, petit à petit, que les apparences sont souvent trompeuses au départ. Que notre personnage principal est bien loin d’être celui qu’on croit au début.
À travers mensonges et cachotteries, on déambule avec notre protagoniste qui mène sa double vie, entre craintes et excitations.
A-t-il voulu emprunter la voie des travailleurs du sexe? Ou a-t-il vraiment dû en interviewer plusieurs dans le cadre de son « vrai » travail de journaliste dans un magazine? Le fait-il par argent, simplement dans un contexte de recherche pour le travail, ou par sincère intérêt? Comme il le répondra: c’est beaucoup plus compliqué que cela.
Et c’est aussi ce que Mäkelä a voulu explorer, comme il l’a expliqué lors d’une généreuse séance de Questions et réponses qui a suivie la projection, nous évoquant sa décision d’illustrer un tel univers sans jugement et de par une approche montrant la décision d’un tel emploi de manière volontaire et pas nécessairement pas manque de choix ou d’options.
C’est cette complexité qui fascinera grandement dans le film, le tout aidé par l’imposante performance de Ruaridh Mollica, à la beauté angélique, mais au regard contenant milles secrets, qui parviendra à transmettre beaucoup dans ses silences, ses postures et sa gestuelle.
Avec un réalisme criant qui tend à valoriser la solitude urbaine de plus en plus omniprésente, l’univers moribond empli des images froides, voire glaciales, de Ikka Salminen n’est pas sans tendresse, mais on nous fait bien vivre l’étau qui se resserre, alors que notre protagoniste s’isole et se fait envahir par ses différentes vies.
Alors qu’il essaie d’accumuler ses expériences personnelles pour nourrir ses ambitions créatrices, il devient aussi psychologiquement impliqué dans cette double identité, au point de ne plus savoir ce qu’il est ni ce qu’il veut vraiment. Cherche-t-il véritablement la popularité, ou préfère-t-il être dans l’ombre que ce soit dans sa publique que sa vie privée?
Ces questionnements demeureront nombreux aidant à la fascination et au désir de poursuivre notre écoute pour voir où l’ensemble nous amènera.
On appréciera également grandement la volonté de dépeindre des milieux précis sans jugement et avec l’objectivité requise pour que chaque spectateur se fasse sa propre idée. On est bien loin, ici, d’une glorification, d’une banalisation ou même d’une démonisation de quoi que que ce soit. Toutes des nuances dont un certain Anora était carrément dénué, d’ailleurs.
Ce que l’on regrettera, cependant, ce sont ces revirements qui ne s’avéreront pas toujours convaincants. Malgré des performances senties et complémentaires de Jonathan Hyde et Ingvar Sigurdsson, comme deux représentations plus ou moins subtiles d’extrêmes envisageables en matière de types de clients, plusieurs relations touchant notre tête d’affiche sont à la fois surécrites et sousécrites, tout comme certaines décisions scénaristiques sont un peu trop tirées par les cheveux.
Bien qu’on n’ira jamais trop loin dans quoique ce soit, ce qui est louable, on remarquera certainement que la fin, très expéditive, conclura l’ensemble de manière assez précipitée pour sa finale qu’on imagine avoir été écrite très tôt dans le processus.
Ces quelques anicroches viendront un peu nuire à l’appréciation d’ensemble, défaisant ici et là le soin pourtant notable apporté au reste et à ce milieu qu’on imaginer, ou encore adroitement s’identifier.
Sebastian demeure une belle proposition où plusieurs promesses sont tenues, mais où quelques autres mériteront un plus grand travail, dans le futur. Une chose demeure certaine, on sera décidément au rendez-vous pour les autres films du cinéaste, tout comme les nouveaux projets de son acteur principal.
7/10
Sebastian a été vu dans le cadre du Festival Image+Nation. Kino Lorber assure sa distribution en Amérique du Nord, mais il n’y a pas de sortie en salle de prévue pour l’instant au Québec. Toutefois, il est disponible en format physique DVD et Blu-Ray chez nos voisins du sud depuis le 1er octobre dernier.