Le cinéaste argentin Marco Berger persiste et signe en continuant d’explorer les amours complexes des homosexuels avec son film Los amantes astronautas (traduit par The Astronaut Lovers en anglais ou Les amants astronautes, en français), présenté dans le cadre du festival Image+Nation.
Dommage, toutefois, qu’avec un kitsch pourtant relativement assumé, le film de Berger semble sortir d’une autre époque en raison de ses propos, et qu’on ne tire que bien peu profit du charme évident des interprètes réunis.
Voilà un long-métrage qui veut jouer sur les apparences, les faux-semblants et les quiproquos. Avec une vision archaïque et limitée, toutefois, il n’y a que bien peu de marivaudage dans cette entreprise qui préfère multiplier et étirer les redondances plutôt que de proposer quelque chose en phase avec une époque qui se veut de plus en plus libre sexuellement.
C’est que, peu importe ce que cela peut bien vouloir dire, Pedro est homosexuel, même s’il n’en a pas l’air, et Maxi est hétérosexuel, même s’il aurait plutôt l’air homosexuel, son ex-copine lui en ayant régulièrement fait la remarque. Ensemble, lors de retrouvailles d’amitié de jeunesse au cours d’une escale dans une maison d’enfance remplie de souvenirs, ils ont l’air d’un couple, à passer presque tout leur temp libre ensemble, alors qu’ils n’en sont pas un.
Déjà, en 2024, on pensait être ailleurs, plutôt que de s’interroger sur l’apparence d’un gay et sur celle d’un hétéro. La question identitaire est plus au goût du jour que jamais, et les orientations sont plus diverses, désormais, à mesure qu’on fouille dans les dérives insondables des attirances et du désir.
Sauf que Berger ne semble pas avoir la sensibilité nécessaire pour aborder ces thématiques, comme en font part les chansons pop sirupeuses qu’on utilise à tout instant. Sans oublier ces personnages qui s’inquiètent un peu du comportement que pourrait avoir le seul homosexuel de la place, contraint de devoir dormir dans la même chambre que les autres hommes, qui ne sont pas de la même orientation sexuelle que lui.
C’est d’autant plus criant lorsque l’on réalise que pendant quasiment deux interminables heures, on semble multiplier d’insupportables scènes qui donnent l’impression de rapiécer tout ce qui concernerait la sous-intrigue d’un feuilleton télévisuel étirée sur plusieurs saisons. De fait, cet espèce d’approche fort agace évoque sans honte ce qu’on appelle communément le « Will They / Won’t They », à savoir si, oui ou non, nos deux personnages finiront par consumer leur indéniable attraction.
Et pourtant, la chimie opère bien. Mignons comme tout, Javier Orán et Lautaro Bettoni ont du charme à revendre et une complicité indiscutable, alors que s’orchestre ce qui est d’abord un amusant jeu de séduction, mais qui finit par lasser à toujours tourner autour du pot et à constamment s’en remettre aux mêmes arguments. On aurait aimé qu’on utilise mieux le talent des acteurs, alors qu’on a plutôt l’impression de les perdre et de les emprisonner dans des longs plans où on les filme sans trop de directives.
L’absence de vision est tout aussi limpide quant à la signification du titre, qui fait état d’un running gag qui tourne rapidement en rond, plutôt que d’une poésie qui aurait pu atteindre les sommets d’un Fin de Siglo, par exemple.
Encore là, en voulant aborder des sujets comme les conséquences d’un baiser ou de passer à l’acte, on le fait sans trop d’aisance, évoquant timidement Matthias et Maxime, démontrant que n’est pas Xavier Dolan qui veut.
C’est que si l’on peut reprocher au cinéaste québécois ses excès, au moins, il fait toujours montre d’une maîtrise sentie du septième art, de la technique comme des possibilités du médium, toutes des choses qu’on ne retrouve aucunement ici.
Là où cela empire, c’est en réalisant à quel point le long-métrage n’a finalement pas vraiment envie de se commettre dans rien de ce qu’il propose. En suggérant tout, mais en ne montrant rien, le film se montre plus chiche que d’autres essais du même acabit, ne laissant que de rares bisous frileux pour se contenter et presque pas de chair, sauf des torses, ou de scènes plus osées.
On en revient bien là dans une approche qui semble aller de pair avec une rhétorique datée qui n’a pas vraiment envie de bousculer les principes ou les conventions; qui donne superficiellement l’impression de remettre en question les préjugés et les idées préconçues, mais ne le fait que très peu, au final. Pire, tout le monde semble ouvert aux questions abordées, sauf nos protagonistes avec qui on passe tout notre temps à les endurer se lancer dans des discussions / débats qui ne mènent nul part.
Tout cela demeure bien dommage, puisqu’on perçoit continuellement tout le potentiel et les nombreux charmes dont le film aurait pu bénéficier. À la place, Los amantes astronautas préfère tourner autour de tout ce qui nous intéresse le moins, même lorsque nous parvenons enfin à la finale tant attendue, qui sera malheureusement réglée en un tournemain, de façon beaucoup trop aisée.
5/10
Los amantes astronautas est présenté dans le cadre du festival Image+Nation. Il rejoue en langue originale avec sous-titres français ce vendredi 29 novembre. Sa distribution en Amérique du Nord est assurée par Darkstar Pictures.