Une fois de plus cette année, les pays réunis pour la conférence des Nations unies sur le climat (COP29) n’auront pas été sur la même longueur d’ondes quant aux finances. On sait depuis longtemps que les uns hésitent à promettre une somme précise et que les autres ont besoin d’une aide urgente. Mais quelle forme prennent ces blocages?
Premier obstacle: l’unanimité
Traditionnellement, les délégués des différents pays travaillent sur un projet de texte qui définira, à la fin de la rencontre, ce sur quoi ils ont fait consensus. Consensus, et non majorité: le texte doit faire l’unanimité. Ce qui représente, chaque année, un obstacle de taille: toute recommandation doit, dans sa façon d’être formulée, rallier autant les petits États du Pacifique dont les îles sont à risque de disparaître, que les États pétroliers qui, jusqu’à l’an dernier, avaient toujours refusé qu’on emploie les mots « énergies fossiles ».
Un texte rempli de parenthèses
Cela signifie que, lorsque la présidence de la COP dépose publiquement un premier brouillon de l’entente finale, il s’agit toujours d’un texte rempli de parenthèses ou [crochets]. Chaque mot ou chaque phrase [entre crochets] est une proposition, et si on n’arrive pas à un consensus, ou s’il n’y a pas de contre-proposition, le mot ou la phrase va disparaître.
En date du 21 novembre, dans le brouillon déposé en matinée, on comptait 110 « crochets » dans les 7 pages du chapitre sur les procédures en cours pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES), et 46 « crochets » dans les 10 pages consacrées aux cibles financières « quantifiables ». Cette compilation est réalisée chaque année par le magazine spécialisé Carbon Brief.
Mais surtout, il n’y avait toujours pas d’engagement monétaire chiffré, et le calendrier restait flou: un engagement entre 2025 et 2035, ou bien « d’ici 2035 »? Un engagement par les pays riches seulement, ou par l’ensemble des pays?
Sans une offre concrète des pays développés, « nous négocions sur rien », a déclaré jeudi la ministre de l’Environnement de la Colombie, Susana Mohamed.
Des promesses édulcorées
Il en résulte donc chaque année des recommandations édulcorées qui laissent insatisfaits les pays qui ont le plus besoin d’aide. D’autant plus que, ces dernières années, les formulations les plus « controversées » ont moins souvent tourné autour des cibles de réduction de GES, et plus souvent autour des engagements financiers: ceux visant à aider les pays les plus vulnérables à s’adapter, ou bien à réparer les dégâts actuels et futurs.
L’écart entre besoins et réalité
Toutefois, définir combien d’argent il faudra mettre sur la table pose des défis différents que de définir combien et à quelle vitesse il faut réduire les émissions de GES. Avec ces dernières, chaque pays peut définir ses politiques à sa façon: les uns investiront massivement dans l’éolien ou les bâtiments éco-énergétiques, créant au passage de l’emploi, les autres feront le pari d’une taxe sur le carbone ou d’un incitatif à l’achat de véhicules électriques. En comparaison, avec le transfert d’argent vers les pays pauvres, les donateurs se retrouvent devant l’obligation de promettre quelque chose de beaucoup plus concret et avec des conséquences immédiatement mesurables.
C’est ce qui explique l’écart : on a pu entendre ces dernières semaines le chiffre de 1300 milliards de dollars par année avancé par les pays du Sud, « au moins 1000 milliards » être évoqué par des experts indépendants et « quelques centaines de milliards » être évoqués de façon plus floue dans les négociations. Bien qu’aucun nombre n’était apparu dans le brouillon du 21 novembre, le magazine Politico rapportait déjà des discussions « internes » de la délégation européenne faisant état d’une proposition variant entre 200 et 300 milliards$ par année à atteindre d’ici 2035. En vertu d’un engagement vieux d’une décennie autour de ce qu’on a appelé le Fonds vert, les pays riches ont atteint en 2023 la cible de 100 milliards$ par an.
Qu’il y ait ou non une entente à la fin de la COP29, il y aura inévitablement les mêmes frustrations que l’an dernier. Et les réticences des pays riches pourraient être encore plus visibles l’année prochaine, avec les États-Unis de Donald Trump.