C’est en beauté, par et avec la grâce incarnée via la divine, mais de réputation capricieuse cantatrice Maria Callas, que le cinéaste Pablo Larraín a décidé de clore sa trilogie des femmes importantes du 20e siècle, joliment nommée La trilogie des dames en talons (traduction libre de Lady with heels). Tout simplement titré Maria, et sans délaisser la poésie, malgré une certaine simplicité, voilà un film qui, à l’image de son sujet, éblouit grandement.
Admettons-le, qualifier cet opus de simple ne lui rend pas justice. Complexe et texturée, riche, maniérée, mais toujours avec une douceur bienveillante, la création fascine. « Épuré » serait donc un terme plus juste, surtout si on le compare après la descente infernale de Kristen Stewart en Ladi Di dans Spencer et le tourbillon étourdissant de Natalie Portman en Jackie, dans le film du même nom.
Si Maria, dite la Callas, n’était pas démunie de ses propres tourments, en refaisant équipe avec le scénariste Steven Knight (capable du pire comme du meilleur, mais habitué aux personnages déchirés), Pablo Larrain a cette fois décidé de rendre hommage à la figure historique, plutôt que de hanter celle-ci.
De fait, notre protagoniste a ses propres fantômes; Larrain et ses collaborateurs redoublent d’ailleurs d’originalité et d’audace pour représenter ces visions, toujours dans une perspective de tendre vers le sublime.
On apprécie particulièrement l’inclusion d’extraits d’opéra (comment aurait-il pu en être autrement?), y compris, moment marquant, avec une référence à Madame Butterfly, de Puccini, lors de l’une des plus belles scènes de ce film, qui multiplie pourtant les moments mémorables.
Avec ses ressorts narratifs, techniques et lyriques qui poussent notre personnage principal à se remettre en question, et alors que toutes les époques de la vie de Callas se mêlent, le film laisse toute la place nécessaire à la vedette imposante qui incarne la chanteuse: Angelina Jolie.
Bien que la ressemblance ne soit pas flagrante, une impression renforcée lors de la projection d’images d’archives, au cours du générique, cela n’empêche pas Jolie de se donner corps, âme et voix – avec plusieurs mois de formation pour savoir chanter l’opéra – dans l’une de ses plus grandes performances.
En incarnant l’essence de Callas, plutôt que le personnage, l’actrice parvient à accomplir de grandes choses, ce qui permet d’éviter de pasticher une femme plus grande que nature.
Le syndrome de la notoriété
Ainsi, le biopic n’a pas peur de montrer la chanteuse sous des aspects qui ne sont pas toujours avantageux, tout en continuant d’éviter une formule classique.
Moins épris d’élans formels pointus, Larraín a aussi revisité sa liste de collègues. Bien qu’il renoue avec sa monteuse Sofía Subercaseaux et le directeur photo Edward Lachman, ces deux sont néophytes face à la trilogie dont fait partie le film qui nous intéresse.
Et si la musique a toujours un peu fait parti de sa trilogie, le premier via la chanson Camelot tirée de la comédie musicale du même nom et la trame sonore de Mica Levi, et le second via les compositions de Johny Greenwood, s’il se défait d’une trame sonore originale, il adresse finalement de plein gré le domaine musical avec brio.
Il s’agit néanmoins d’un univers à la belle uniformité, dans le sens où il boucle la boucle de manière surprenante, notamment via l’acteur Caspar Philipson, qui reprend son rôle de Kennedy, plus d’une demi-décennie après Jackie.
Le réalisateur fait certainement encore montre d’un grand flair pour sa distribution, qui compte à la fois Alba Rohrwacher et Pierfrancesco Favino, Vincent Macaigne et, surtout, Kodi Smit-McPhee dans un rôle d’une ingéniosité admirable.
Sauf que l’ensemble, très intimiste, comme c’était le cas dans les deux autres volets, ne perd jamais de vue son personnage principal. Lorsqu’elle n’est pas à l’écran, la présence de la diva se fait toujours sentir, que ce soit parce que les personnages en parlent ou l’évoquent, ou parce qu’on la sent dans l’arrière-plan.
Ce sont ces décisions qui donnent l’impression de voir un être d’hier, désormais éteint, reprendre vie sous nos yeux et, d’une certaine manière, prendre le contrôle de sa propre existence.
S’il a touché à énormément de genres et que les projets dignes de mention ne manquent pas, c’est certainement lorsqu’il se penche sur un certain féminisme que le cinéaste chilien se montre le plus intéressant. Difficile de ne pas aborder le tout sous cet angle avec une femme qui veut rester en pleine maîtrise de sa propre existence, de son statut, mais aussi de sa carrière, et de ne pas (trop) se laisser influencer par les hommes qui l’entourent.
Cela n’est pas sans faille, certes, mais il y a une fraîcheur revigorante à revivre le tout.
Maria est ainsi un film qui célèbre, qui enchante, lumineux au possible, continuellement soigné, visuellement riche et magnifique, musicalement ensorcelant, comme l’offre, sous forme d’un cadeau, d’une voix qu’on n’est pas prêt d’oublier.
8/10
Maria prendra l’affiche en salles le 27 novembre en sortie limitée avant de débarquer sur la plateforme MUBI le 11 décembre prochain.