Krystel Descary a grandi sans son père, une absence qui s’est transformée en une présence obsédante. Comment exister en l’absence de cette présence? Car ce père, bien vivant, ne l’est pas pour elle. Et l’indifférence qu’il semble éprouver – et qu’il éprouve sans doute – empêche Krystel de vivre.
Et si son père mourait avant qu’elle n’ait pu entrer en relation avec lui? Comment faire le deuil de cette relation de filiation père-fille, alors que son père n’est mort que pour elle ?
L’autofiction Faire la mort met en scène le cheminement de Krystel dans la vie qu’elle a eue jusqu’à aujourd’hui, en l’absence de ce père paradoxalement présent.
Un proverbe dit que pour vivre, il ne faut pas mourir avec les morts. Et Krystel s’est débattue toute sa vie pour parvenir à faire le deuil de sa relation à son père, accepter qu’il n’existe pas pour elle tandis qu’il existe par ailleurs.
Pour y parvenir, l’artiste s’est intéressée de très près au phénomène de la mort réelle en travaillant sur la fin de vie, et une partie de théâtre documentaire se superpose à la pièce de théâtre proprement dite.
C’est le côté théâtral et autofictionnel qui m’a le plus emballé. Dans un décor très intéressant et spectaculaire, la pièce montre tout le cheminement de Krystel: comment elle a grandi avec sa mère monoparentale; comment elle entend souvent parler de ce père qu’elle n’a pas; comment tout cela influence ses relations amicales, ses rêves, ses éblouissements artistiques, alors que la mort est partout pour elle, obsédante et qu’elle semble toujours hésiter entre s’y précipiter ou vivre sa vie en étant dégagée de ce poids initial.
Le sujet est grave, mais traité avec intelligence et humour. Certains passages, comme la séquence psychédélique, sont particulièrement réussis.
Le décor est spectaculaire. La manière d’exhumer certains vestiges du passé enfoui sous tout ce humus qui recouvre la scène est une très belle trouvaille. Les personnages sont bien campés et les acteurs les interprètent parfaitement.
L’ensemble est très réussi même si, à mon sens, la partie documentaire aurait pu prendre moins de place. Le cheminement de Krystel donne beaucoup à penser et permet mille réflexions sur ce que représente un deuil, à savoir un renoncement à vivre quelque chose de définitivement perdu, tandis qu’une infinité de possibilités s’ouvrent encore à nous, tant que nous sommes vivants.
Faire la mort
Avec : Mykalle Bielinski, Krystel Descary, Laetitia Isambert-Denis, Joanie Martel, Pier Paquette, Isabelle Vincent
Dramaturgie : Marie-Claude St-Laurent
Scénographie : Geneviève Lizotte
Éclairages : Étienne Boucher
Costumes : Cynthias St-Gelais
Faire la mort, du 12 novembre au 8 décembre 2024 à l’Espace Go, à Montréal