C’est auréolé de la présence d’une véritable fanfare de cinq musiciens – venue clore l’une des représentations du film En fanfare à Cinémania – que nous avons eu droit à un vrai moment de bonheur pendant et après le film pour une proposition rassembleuse qui s’amuse à semer le bien sur son passage.
Sous la gouverne du cinéaste Robert Guédiguian, Emmanuel Courcol s’amuse à mêler film grand public et films sociaux pour un résultat souvent réussi.
Les rires sont francs et le rythme assuré dans ce long-métrage qui joue la carte du duo a priori mal assorti pour déjouer ici et là les attentes, bien que la recette de ce feel-good movie soit pas mal suivie à la lettre.
C’est ainsi l’histoire de deux frères biologiques qui n’en sont pas vraiment, puisque séparés à la naissance, et qui apprennent rapidement (concours de circonstances et véritable concours obligent), mais sûrement, à se connaître.
L’un est un grand chef d’orchestre connaissant les hautes sphères, le succès et la bourgeoisie. L’autre est un cantinier dans une école d’un petit village, assombri par la fermeture de l’usine du coin, et qui est aussi musicien dans la fanfare du village. En raison d’une maladie soudaine qui forcera les retrouvailles, les raisons de se revoir se multiplieront, alors que les ressources de l’un aideront à répondre aux besoins de l’autre.
Comme on s’en doute, chacun des deux hommes apprendra autant l’un de l’autre et, on l’espère, il y aura communion.
Sur papier, c’est un peu tout cela qui se passe. Durant le film, il y a heureusement encore plus de développements, de revirements, de surprises et de richesses dans ce scénario coécrit avec Irène Muscari, dont c’est la première fois à l’écriture. Tant mieux.
Parce que le film aborde des sujets comme l’adoption et ses répercussions, la lutte et les différences de classe, donc la pauvreté et la richesse, mais aussi l’inné et l’acquis, parmi tant d’autres.
Creuse-t-on assez toutes ces thématiques? Probablement pas. Surtout considérant que le syndrome du riche homme blanc n’est jamais trop loin pour mieux tirer les ficelles du scénario et s’assurer que tout se rende à bon port, sans oublier plusieurs revers pour assurer le bon déroulement de la courbe dramatique.
On pourrait donc avoir peur d’une tendance au mélodrame, mais c’est plutôt l’humour qu’on a envie de continuellement faire triompher, même dans les moments qui devraient être les plus graves.
Le tout se déroule à l’aide d’une distribution qui s’amuse follement et démontre un sens de la répartie décapant pour les répliques qui fondent souvent en bouche, grâce à une rythmique des dialogues, qui ne sont pas sans rappeler les films de Nakache et Toledano.
On y retrouve même l’un des acteurs secondaires du Sens de la fête, Benjamin Lavernhe, encore bien doué pour la comédie avec ce petit ton charmant lui permettant à nouveau de paraître aussi privilégié et fendant qu’irrésistible. Un peu comme dans le Menteur de Émile Gaudreault, il vient jouer le frère pas très identique aux côtés de Pierre Lottin, certainement à la fois le coeur du film, mais aussi sa grande révélation. Celui-ci vient d’ailleurs d’être nommé dans la sélection officielle des Révélations 2025 de l’Académie des César pour ce film.
Renouant avec le réalisateur de son film précédent, il vient avec un ton qui lui est propre et une manière de déblatérer ses répliques avec instinct comme lui seul semble en avoir le secret, Lottin fait également preuve d’une nuance épatante dans son jeu. Avec un sens de la retenue impeccable, sans jamais se défaire de son personnage, il parvient à trouver les émotions justes pour faire croire aux rêves, aux déceptions, aux espoirs, mais aussi aux tristesses accumulées de son Jimmy.
On apprécie par ailleurs la minutie du film, avec le soin évident apporté aux milieux qui y sont dépeints. Avec beaucoup d’acteurs peu connus, on croit à la communauté du village et leurs difficultés, alors que la représentation du milieu orchestral montre beaucoup de préparation de la part de ses acteurs. Lavernhe a ainsi autant de justesse dans son jeu que n’en avait Bradley Cooper dans son Maestro, ou même Sophie Desmarais dans Les jours heureux de Robichaud.
Le fait que tout le monde joue réellement de la musique aide aussi à entrer dans le microcosme du film et à y adhérer sans mal. De plus, comme c’est le cas chez Toledano et Nakache, on laisse beaucoup de place à la musique, que ce soit le Boléro de Ravel ou une pièce de Dalida.
Enfin, En fanfare est un beau film avec beaucoup de qualités. Il ne transcende rien, mais s’écoute avec un bien fou et sait toucher ses spectateurs, comme en font part tous les prix du public qu’il s’accumule de festival en festival depuis sa présentation à Cannes, en mai dernier.
On regrette toutefois que l’on mise un peu trop sur sa finale, qu’on envisage comme aussi percutante que Whiplash, de Chazelle ou, plus précisément, Le concert de Mihaileanu.
La finale d’En fanfare est en fait trop forcée; on ne se laisse pas autant happer que le film le souhaiterait. On préféra alors repenser à toutes les autres belles choses que le film nous aura proposées.
6/10
En fanfare a été vu dans le cadre de Cinémania le festival de films francophones. Distribué par Axia films au Québec, sa sortie en salle est prévue pour le 13 décembre prochain.