D’un projet conçu en pandémie à une application offrant non seulement des recettes, mais aussi (et surtout) un guide pour maximiser la qualité de ses aliments tout en minimisant le coût de son épicerie, Glouton a certainement gagné en ampleur et en ambition. Rencontre avec son créateur, Jean-François Gagné Bérubé.
« Je m’ennuyais un peu dans ma carrière; je voulais apprendre les bases de l’intelligence artificielle », confie M. Gagné Bérubé en entrevue téléphonique.
« Étant un grand passionné de bouffe, je me suis demandé pourquoi je n’essayais pas d’apprendre de nouvelles choses, tout en poursuivant mes passions? À partir de ce moment-là, j’ai créé un système capable d’analyser les recettes et mettre en relation les prix à l’épicerie. Il n’y avait pas vraiment d’interface; il ne s’agissait que de lignes de commandes. Mais les résultats étaient vraiment bons, et le projet d’entreprise est né de tout cela. »
M. Gagné Bérubé précise par ailleurs que le fait que plusieurs parents de son entourage ont des enfants souffrant d’allergies alimentaires l’a poussé à vouloir s’assurer que les recettes proposées par son application soient clairement exemptes des aliments proscrits.
« S’il y a un enfant qui ne peut pas prendre de produits laitiers, un autre [dans une même famille] qui ne peut pas prendre de gluten, eh bien, il n’y a pas vraiment de livre de recettes qui va bien mélanger les deux. Et donc, nous avons une détection d’allergies à la source. »
Les algorithmes pour « faire sa commande »
Outre l’offre en matière de recettes, l’application propose une série de circulaires publiées par la majorité des grandes épiceries. Et dans une mise à jour offerte cet automne, les offres desdites circulaires reçoivent une note allant de 1 à 10, en fonction de la « qualité » de ces dernières, notamment en raison de leur provenance, de l’ampleur du rabais, etc.
« Au début, ce n’était pas très compliqué [de programmer l’algorithme]; c’est un système sur lequel on a pu progressivement ajouter des couches », explique M. Gagné Bérubé.
« Le gros enjeu, pour arriver à une certaine précision, c’est l’accès à un historique de données, en fait. On ne se base pas uniquement sur un comparatif entre un prix régulier et un prix promotionnel, car pour nous, ce n’est pas représentatif de la réalité. Avec le temps, donc, nous avons pu ajouter des paramètres qui sont pris en compte, comme la saisonnalité – si un poivron du Mexique est au même prix qu’un poivron du Québec, c’est forcément celui du Québec qui obtiendra une meilleure note. »
Selon le créateur de Glouton, un rabais qui revient plus régulièrement aura aussi « moins de valeur ». « Et évidemment, il y a aussi la générosité du rabais », dit-il. Chaque semaine, une évaluation manuelle est aussi effectuée, en plus du tri algorithmique, affirme-t-on.
Les responsables de l’application ont également accès, à l’avance, aux données des circulaires publiées par les épiciers. « Les seuls avec qui on ne réussit pas à avoir de bonnes relations, ce sont ceux qui n’ont pas de siège social au Québec. Mais avec les autres entreprises, les relations sont très bonnes », mentionne Jean-François Gagné Bérubé.
« C’est un peu donnant-donnant, comme relation; nous les aidons à mettre de l’avant leurs spéciaux, ce qui est au coeur du fonctionnement de leurs circulaires. Mais il y a parfois des rabais que nous jugeons moins intéressants. Et donc, des fois, ce sont eux qui « gagnent ». Des fois, c’est nous. »
Le créateur de Glouton est d’ailleurs clair: les chaînes d’alimentation ne touchent pas de redevances de la part de l’application; celle-ci se finance plutôt à l’aide de la publicité, mais aussi grâce à un abonnement qui permet d’avoir accès à davantage de fonctionnalités.
L’entreprise « se défend de viser la croissance à tout prix, mais que celle-ci survient un peu par défaut », indique M. Gagné Bérubé, « parce que nous aidons un grand nombre de gens ». « Mais à la base, mon objectif n’est pas de transformer cela en compagnie qui serait extrêmement rentable; c’est la raison pour laquelle on a une version gratuite. La plupart des fonctionnalités qui permettent de réaliser des économies sont disponibles avec la version gratuite. »
Toujours selon M. Gagné Bérubé, Glouton recense environ 100 000 membres enregistrés, c’est-à-dire les personnes qui ont créé un compte, « avec un taux de conversion [vers un abonnement payant] d’environ 3% ».
Et s’il existe des applications concurrentes, « chacune d’entre elles occupe, en gros, une niche spécifique », soutient le créateur de Glouton. « Avant que nous arrivions, il s’agissait surtout de groupes Facebook qui s’astreignaient à analyser les spéciaux de la semaine et d’offrir des listes à leurs abonnés. Nous sommes arrivés avec une approche davantage basée sur les données et l’analyse », dit-il.
Six ans après le lancement de la version originale de l’entreprise, M. Gagné Bérubé veut maintenant se tourner vers les épiciers locaux, ou encore les fruiteries de quartier, plutôt que de se cantonner aux grands détaillants. « Les petits joueurs n’ont souvent pas les ressources pour créer des circulairese et faire parler d’eux, par exemple. »
« À terme, nous souhaitons aider les plus petits joueurs, pour que ceux-ci puissent concurrencer les plus grands », indique Jean-François Gagné Bérubé.
Le développement de l’offre de Glouton devrait donc se poursuivre, toujours dans l’objectif de faciliter l’épicerie pour les consommateurs. Un avantage indéniable, dans un contexte où l’inflation alimentaire demeure importante.