« Il faut se méfier des marques à la mode lancées par les influenceurs à l’information peu fiable ». Pour une rare fois à l’Université McGill, on parlait d’une membre de la famille Kardashian et de sa marque de « bien-être » aux prétentions pseudoscientifiques.
L’événement qu’ouvrait ainsi Joe Schwarcz, directeur de l’Organisation pour la science et la socièté, était le récent symposium annuel de science publique Trottier: celui-ci s’intéressait cette année à des « tendances » scientifiques « déconcertantes », comme les suppléments alimentaires ou l’Ozempic.
Ce dernier médicament, louangé par des vedettes, des influenceurs et même Elon Musk, vendu sous prescriptions, a été présenté ces dernières années comme un « produit miracle » pour maigrir. « Il imite le GLP-1 qui cible la glycémie, le sucre dans le sang » a expliqué la professeure émérite au Département de physiologie et de médecine de l’Université de Toronto, Patricia Brubaker.
Celle dont la carrière a été dédiée à la biologie des hormones de l’intestin, a toutefois rappelé que les médecins ignorent encore les effets à long terme de la prise régulière de ce médicament chez les personnes en léger surpoids et chez les jeunes.
Elle a détaillé la science d’une protéine intestinale issue du pancréas, le glucagon, dont l’un des acides aminés (ou peptides) est devenu tendance – le fameux GLP-1. Cette dernière permet, entre autre chose, de jouer sur l’appétit en stimulant la sécrétion d’insuline. C’est dans ce contexte que cette pilule a pu être utilisée comme coupe-faim pour aider les patients atteints d’obésité sévère et morbide.
Mais a-t-on raison de lui accorder autant d’attention ? La chercheuse prône d’attendre les résultats d’études cliniques avant de faire entièrement confiance à ce type d’injection pour maigrir. « C’est un traitement qui coûte cher et on ignore encore s’il est sécuritaire chez les jeunes et les femmes enceintes. Il provoque de la nausée, de la diarrhée, de la constipation et d’autres malaises intestinaux d’importance », rapporte la Pre Brubaker.
En faisant allusion à Mme Kardashian, la Pre Brubaker rappelle qu’il faut se méfier des imitations et des escrocs. Cette influenceuse vend un supplément qui prétend lui aussi faire maigrir rapidement et sans douleur, en imitant l’Ozempic.
« Il y a beaucoup de faux produits, certains contaminés avec des bactéries et d’autres qui peuvent donner des réactions allergiques. Il importe donc de se procurer le vrai produit à la bonne source, pas sur Internet. »
Un petit supplément avec ça?
Chose certaine, entre les « Brazilian fat burner » et autres coupe-faim, les suppléments alimentaires promettant de perdre des kilos sont nombreux. « Ce ne sont pas des produits approuvés par des organismes de santé et c’est très difficile d’avoir aussi la liste précise des ingrédients », résume le professeur agrégé de médecine à l’École de médecine de Harvard et expert sur la sécurité des suppléments alimentaires, Pieter Cohen.
Vitamines, produits botaniques, acides aminés, protéines, extraits glandulaires, probiotiques… La longue liste s’accompagne d’allégations qui vont parfois jusqu’à prétendre soigner —en évitant toutefois de le mentionner directement, puisque ce ne sont pas des médicaments approuvés. Comme ces « pilules » pour « améliorer la clarté », qui sont présentées comme une façon de prévenir l’Alzheimer.
Inutile de dire qu’il y a peu de bénéfices avérés. « Pour se faire leur propre opinion, relève l’expert, les gens doivent regarder des sources fiables, des certifications valables et jeter un œil au détail des études, quand il y en a. »
Il prend pour exemple les fèves de Mucuna, originaires d’Afrique et d’Asie tropicale, vantées pour leurs propriétés antidiabétiques, ou bien les cachets de mélatonine, vendus en pharmacie au rayon des produits naturels. « Le contenu des flacons diffère trop souvent de ce qui est inscrit, les quantités ne sont pas les bonnes, l’ingrédient principal s’avère peu actif, on retrouve de la contamination bactérienne », énumère le Dr Cohen.
Les lois américaines et canadiennes tolèrent souvent en pharmacie des marques non appuyées sur des études scientifiques: s’ils ne sont pas catalogués comme des médicaments, ces produits ont juste à faire la preuve qu’ils sont sans danger. La FDA – la Food and Drug Administration, l’agence américaine chargée de la surveillance des aliments et des médicaments – « n’est malheureusement pas capable de les faire enlever des tablettes, même si les produits sont reconnus inefficaces », rapporte Cohen, qui a publié dernièrement une étude sur le sujet.
Et pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, les influenceurs vantent toujours plus de produits pseudoscientifiques aux allégations carrément erronées.