L’élection présidentielle américaine déterminera comment ce gouvernement réglementera plusieurs enjeux de science et de santé: certains auront un impact à l’intérieur de leurs frontières, comme l’avortement, mais d’autres bien au-delà, comme l’environnement et l’intelligence artificielle.
Protection de l’environnement
SI on fait souvent grand cas de l’indifférence des républicains à l’égard des changements climatiques — un sujet que Donald Trump a qualifié de « canular » — on oublie que la protection de l’environnement en général n’est pas leur force non plus. Un des premiers gestes posés par Trump en devenant président en 2016 a été d’abolir des mesures de protection de l’eau et de l’air — et au fil de sa présidence, 74 actions ont été prises pour affaiblir des réglementations environnementales, selon une compilation de l’Institut Brookings.
Par ailleurs, le fameux « Projet 2025 » — le document publié par un influent organisme de réflexion conservateur et dont la plupart des auteurs gravitent ou ont gravité autour de Trump — promet entre autres choses le démantèlement du Service météorologique national — pour « commercialiser ses opérations » — et de l’Agence nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA) : on doit à cette dernière une masse de recherches allant des précipitations et des canicules jusqu’aux tempêtes tropicales et à la vie marine.
Ces coupes s’inscriraient de plus dans un contexte où, ces dernières années, la confiance d’une partie importante de l’électorat républicain à l’égard de tout ce qui est gouvernemental a été sérieusement érodée. Et la désinformation qui a récemment déferlé autour des ouragans n’aidera pas la cause des météorologues, des océanographes et des autres spécialistes de l’atmosphère.
Rappelons par ailleurs que le grand plan d’investissements dans les infrastructures du président Joe Biden, appelé en 2022 l’Inflation Reduction Act, se traduit par des investissements massifs — 370 milliards de dollars américains — dans un large spectre de technologies vertes. Les républicains ont promis d’y mettre fin, mais il faut noter que la plus grande partie de ces investissements profite à des États républicains.
La santé
L’avortement est probablement un sujet qui va continuer de diviser la société américaine, peu importe le résultat de l’élection. Le candidat républicain a promis de laisser la patate chaude entre les mains des États: or, depuis la décision de 2022 de la Cour suprême, 21 États ont passé des lois limitant le droit à l’avortement, dont 13 l’interdisent complètement. Tandis que la candidate démocrate évoque la possibilité de réinstaurer ce droit à l’échelle nationale —, mais son pouvoir pourrait être limité si son parti n’obtient pas la majorité au Congrès.
Plus largement, il faut se rappeler que les États-Unis sont le seul pays riche de la planète à ne pas avoir de régime d’assurance-maladie universel. Une conséquence souvent évoquée est celle des coûts élevés des médicaments vendus sous prescription, un problème auquel autant Trump que Harris ont promis de s’attaquer. Une conséquence moins souvent évoquée pourrait être que ce pays est le seul parmi les pays riches à avoir vu son espérance de vie légèrement décliner ces dernières années, une partie de la population n’ayant pas les moyens d’aller à l’hôpital ou d’avoir un suivi médical. Les États-Unis ont aussi, parmi les pays riches, le plus haut taux de mortalité lié à des maladies évitables, et le plus haut taux de mortalité chez des femmes enceintes.
Là aussi, la désinformation pourrait accroître le problème: le déficit de confiance à l’égard des scientifiques et des médecins s’est en effet accéléré pendant la pandémie, et on a noté les plus hauts taux de mortalité dû à la COVID dans les comtés qui avaient voté le plus fort pour les républicains en 2020.
L’intelligence artificielle
Aucun des candidats n’a montré de signe comme quoi les investissements dans l’IA allaient ralentir, mais aucun n’a non plus évoqué comment ils entendaient réglementer: il y a en particulier cette question du niveau de responsabilité qu’aurait une compagnie si quelque chose tournait mal, une question épineuse qu’on évoque aussi, désormais, autour des plateformes de réseaux sociaux. Aucun des deux partis ne semble vouloir s’avancer sur un terrain qui pourrait ralentir la recherche, puisqu’en parallèle, ils évoquent l’importance de rester compétitif face à la Chine.
Plus largement, cette question de la compétitivité renvoie aux investissements dans la recherche scientifique en général, et dans les sciences fondamentales en particulier. La revue Nature rappelle dans sa dernière édition que, dès 2005, un rapport des Académies nationales des sciences avait pointé que le déficit d’investissement dans les sciences fondamentales allait se traduire par une perte de compétitivité dans le futur —puisque ce sont les investissements actuels dans des disciplines comme la physique ou les mathématiques qui se traduisent 10, 20 ou 30 ans plus tard par des retombées pratiques.
Or, la part du PNB que consacrent les organismes subventionnaires américains aux sciences fondamentales serait aujourd’hui inférieure à ce qu’elle était en 1997, selon un rapport publié l’an dernier.
S’ajoute à cela un problème dont on ne parlait pas en 2005, l’immigration. Historiquement, les États-Unis ont toujours compté sur les talents internationaux pour nourrir la recherche de pointe, autant dans leurs universités que dans le milieu de l’entrepreneuriat. À travers le temps, une proportion importante des étudiants internationaux ont choisi de rester. Or, d’une part, la montée de la Chine fait de plus en plus de ce pays une force d’attraction pour ces talents. D’autre part, nul n’est en mesure de dire si l’actuel climat anti-migrants aura un effet repoussoir sur une partie de ces futurs talents.