Avis aux scribes, écrivains du dimanche et autres travailleurs de la plume – ou plutôt, du clavier: l’intelligence artificielle vient de se greffer à Antidote, le bien connu logiciel de correction orthographique. En fait, l’IA a toujours été là; elle prend cependant une nouvelle forme, affirme André d’Orsonnens, chef de la direction de Druide informatique, qui publie le programme en question.
Au bout du fil, M. D’Orsonnens est bien clair: il ne s’agit pas de « manquer le bateau » de l’IA, alors que de plus en plus d’entreprises tentent d’intégrer un ou plusieurs aspects liés de près ou de loin à cette fameuse « intelligence » numérique. « En fait, on était dans le bateau ne soit à l’eau. Il n’y a aucun lien de cause à effet », assure-t-il.
« Pour nous, cela s’inscrit dans la continuité de ce que nous faisons chez Druide, depuis des années: il faut comprendre que l’IA, chez nous, c’est notre quotidien depuis 1993. À l’époque, c’était uniquement de l’IA symbolique, avec de la programmation à l’avance, pour aider à effectuer des analyses de phrases. Par exemple, si le sujet est au pluriel, alors le verbe qui le suit va s’accorder. Ensuite, nous avons progressivement ajouté le big data, qui nous a permis de créer un corpus et effectuer des inférences en fonction de la fréquence d’un terme, puis de soumettre le tout à une analyse », a ainsi expliqué M. D’Orsonnens.
Afin de perfectionner ses services de correction orthographique, mais aussi les autres fonctionnalités du logiciel, on a donc peaufiné, au fil des années, des systèmes informatiques sous-jacents qui s’appuient sur des capacités de « réflexion » de plus en plus poussées afin de mieux comprendre ce que les utilisateurs écrivent, d’abord, mais aussi pour proposer des corrections toujours plus appropriées. Et, par le fait-même, d’éviter les faux positifs lorsque vient le temps de souligner des erreurs.
« L’un des exemples qui me fait bien rire, c’est que si l’on tape trop vite et que l’on oublie un accent circonflexe, une tache ingrate est beaucoup plus improbable qu’une tâche ingrate », lance André d’Orsonnens.
Le hic, « c’est que ce n’est pas une erreur de grammaire, notre analyse symbolique ne fonctionnera pas; avec l’IA statistique, le système va ainsi suggérer la possibilité qu’il y ait une erreur ».
« Ensuite, il y a l’IA neuronale, c’est là où la machine peut apprendre: on pouvait insérer des virgules quand il en manquait. La correction neuronale a d’ailleurs donné naissance à l’IA générative. Voilà depuis 2016 que nous avons commencé les travaux sur ce type d’intelligence artificielle », a poursuivi le chef de la direction de Druide informatique.
Et donc, pour la version 12 d’Antidote, lancée la semaine dernière, cet « ajout » en termes d’IA générative se décline en cinq possibilités: réécrire un texte, le retoucher, le modérer (pour calmer le ton dans un courriel, nous donne-t-on en exemple par voie de communiqué), l’épicéniser et le raccourcir.
Toujours en entrevue, M. D’Orsonnens est formel: cette IA générative d’Antidote ne « crée » pas de nouveaux contenus à partir du texte fourni par l’utilisateur, comme peut le faire ChatGPT, par exemple, lorsqu’on lui demande d’écrire un nouveau contenu à partir de quelques indications.
« Ce que nous voulions parvenir à faire, c’est de canaliser, ou encore harnacher, l’IA. Car l’intelligence artificielle générative peut aller dans toutes les directions. Et l’une des grandes craintes de la population, c’est que ces programmes ajoutent ce que l’on appelle des « hallucinations », le tout avec beaucoup d’assurance. Et puisque l’IA peut accomplir des choses merveilleuses, on a tendance à accorder de la crédibilité au faible pourcentage de choses qui n’ont pas d’allure. Mais c’est cette portion qui entraîne des risques pour la personne qui écrit. »
André D’Orsonnens parle ainsi d’une « IA générative contrôlée ». « On n’écarte pas vos idées, on n’ajoute rien. »
Garder un texte « lisible »
Selon le chef de la direction de Druide informatique, l’un des autres services offerts par l’IA dans la nouvelle version d’Antidote, soit le fait de transformer un texte pour le faire adhérer aux normes du français épicène, « vient régler un problème important ».
« Cela m’en donne presque une maladie cutanée… Je sais que les gens agissent de la sorte avec les meilleures intentions du monde, mais combien de fois voit-on des textes avec des points médians? Il y a des fois des points partout; cela devient illisible, ça donne mal à la tête. C’est à peu près la pire façon d’avoir des textes épicènes. On souhaite être inclusifs, mais on nuit à la langue française. Il y a toutes choses que nous pouvons faire autrement. Et cela, Antidote le fait de superbe façon. »
Sur le plan financier, maintenant, André d’Orsonnens se fait quelque peu avare de mots lorsqu’on lui demande si Druide a un objectif chiffré en tête pour cette nouvelle version de son correcteur orthographique, se contenant de dire que l’entreprise veut continuer d’accroître son bassin d’utilisateurs.
Selon lui, « Antidote est rentable depuis ses débuts », et devrait continuer de l’être au cours des prochaines années.
En attendant la prochaine version, soit probablement d’ici quelques années, le public peut donc profiter de ces nouvelles fonctionnalités d’IA générative, mais aussi compter sur des dictionnaires enrichis de plus de 3200 mots et locutions dans la langue de Molière, ou encore 4700 dans la langue de Shakespeare, entre autres améliorations. De quoi franchir un pas de plus dans notre maîtrise collective de l’écriture sous toutes ses formes.