Qui aurait cru, en 2018, que, malgré son improbable succès, Venom, un méchant des aventures de Spider-Man, se retrouverait au coeur d’une trilogie, soit un sort beaucoup plus généreux que celui d’une bonne majorité de véritables superhéros? C’est pourtant là où l’on se trouve, six ans plus tard, avec Venom: The Last Dance qui est, contre toute attente, de loin le meilleur volet de la série.
Ayant signé pour trois films, l’acteur de renom Tom Hardy, dont la présence dans un tel projet a toujours surpris (et c’est encore le cas à ce jour), s’est assuré de prendre en main la franchise en devenant à la fois producteur, mais aussi responsable des scénarios des suites.
À l’instar de nombreuses autres franchises, The Last Dance, tout en ne faisant pas entièrement abstraction de ce qui a eu lieu auparavant (le long-métrage s’assure quand même de bien boucler la boucle des trois films), délaisse tout ce qui avait fait la renommée de la série pour en faire un ovni qui vit pratiquement de lui-même.
Lire ici: y aller de la véritable volonté de Disney, qui s’est approprié l’univers de Spider-Man pour lui-seul, et décider de faire ici un film qui se satisfait réellement de lui-même sans se contenter de tout le temps essayer de rentrer dans le moule de sa source.
Mieux encore, après avoir tenté sans succès à deux reprises de plaire aux fans (l’excitante annonce d’une confrontation entre Venom et son grand ennemi, Carnage, aurait difficilement pu se montrer plus décevante), on cherche ici à s’assurer d’avoir du plaisir avec le tout, pour soi-même, coûte que coûte, en espérant que le public s’amuse un peu aussi.
Ainsi, bien que ce chapitre débute tout juste à la fin des événements des deux premiers films, ne vous attendez pas à ce qu’on revienne sur l’une des scènes post-génériques de Let There Be Carnage, qui évoquait la présence du Spider-Man incarné par Tom Holland dans l’univers.
On ne fera d’ailleurs qu’une paresseuse mention du multivers, sans plus.
À l’exception de l’immanquable Mrs. Chen incarnée par Peggy Lu, ne vous attendez pas non plus au retour des personnages clés des précédents volets, y compris la femme interprétée par Michelle Williams, qui n’a jamais vraiment compris ce qu’elle faisait dans ces films.
On a beau ramener le personnage joué par Stephen Graham, il est surtout là pour fixer le vide, laissant la place au reste de la distribution qui, bien que cette fois maigre en personnages, demeure à nouveau prestigieuse.
Sauf que Juno Temple (à qui on créera un passé qui ne sera finalement d’aucune utilité à l’ensemble), Chiewetel Ejiofor et Rhys Ifans (possiblement à son plus drôle depuis Notting Hill; mais dont la présence s’avère énigmatique comme il interpréte aussi Dr. Connors alias The Lizard dans d’autres versions de Spider-Man) ne serviront jamais vraiment à autre chose que faire avancer le film et permettre à notre double protagoniste de s’épanouir.
Une réflexion meta
Reprenant cette réflexion du double qui se lovait d’abord entre l’amitié et la bromance inattendue pour le journaliste fendant Eddie Brock et son symbiote, puis plongeait dans l’homoérotisme à la fois avoué et inavoué (on fera encore des références aux sorties de placard, tout en y ajoutant une bande sonore qui passera d’un succès de Queen à une survoltée chorégraphie sur une version remixée de Dancing Queen d’Abba), on y ajoutera cette fois une réflexion meta sur son interprète qui prouvera sans l’ombre d’un doute son apport au récit.
Comment en être autrement dans ces moments mélancoliques, comme cette scène d’une surprenante beauté, alors qu’on y entonne Space Oddity, de David Bowie, dont les paroles semblent s’adresser directement à Hardy: This is Ground Control to Major Tom, You’ve really made the grade, And the papers want to know whose shirts you wear, now it’s time to leave the capsule if you dare…
Il en va de même lorsque Hardy utilise son double (dont il interprète la voix) pour se rappeler qu’il a déjà gagné des mentions de Sexiest Man Alive, et qu’il a encore la cote. On peut le comprendre, puisque si son talent d’acteur était prometteur, il a surtout multiplié des projets à l’intérêt variable, n’en déplaise à sa nomination aux Oscars il y a presque une décennie déjà.
Ne croyez pas, par contre, qu’en changeant une bonne partie de l’équipe technique, le film a soudainement amélioré ses qualités techniques et cinématographiques et délaissé les ruptures de ton, les inconsistances et les effets spéciaux inégaux qui font sourciller.
Sauf que cette fois, on a décidé de jouer à fond la caisse la carte de la série B grandiloquente (qui sied mieux à tout ceci), plutôt que le blockbuster prestigieux à grand déploiement, en plus d’y ajouter quelque chose qui alimente davantage notre intérêt: un récit qui se tient.
Le film manque toujours un peu de se perdre quand il devient trop sérieux, mais on n’est jamais trop loin d’un gag complètement déplacé pour nous ramener sur le droit chemin.
Certes, on pousse un peu le bouchon dans cette traque en deux, trois temps qui y inclus des créatures monstrueuses intergalactiques cherchant une clé au coeur de notre protagoniste pour libérer un méchant qui ne fera que grogner dans le noir, lors des rares fois où on le verra.
Il est aussi question d’un laboratoire scientifique secret caché des centaines de mètres sous la Zone 51, laboratoire qui est aussi sur le point d’être démantelé (un autre fait qui ne servira finalement pas à grand chose)…
N’empêche le film croit en son entreprise et va jusqu’au bout de sa quête (et de ses absurdités, le dernier acte confus sera aussi jouissif que ridicule) en n’en faisant qu’à sa tête, et ce, à l’instar de son alter ego.
Pour ce dernier, d’ailleurs, seule la survie de son hôte (et ami ou âme soeur, c’est selon) est importante. Ainsi, qu’importe si la logique flanche souvent, au final, seul l’univers du film importe. Il ne faut quand même pas oublier que c’est depuis le départ le film sur un antihéros et non un héros. Ce qui permettra de pardonner que si un avion est sur le point de s’écraser, on n’y reviendra jamais et que le sort de ses passagers passera dans le beurre; tout le contraire de nos créatures de l’enfer qu’on s’assurera de nous rassurer sur leur sort.
Au final, ironiquement, c’est peut-être justement l’égocentrisme qui a sauvé la franchise au dernier moment. D’avoir finalement voulu se lancer à fond dans le projet complètement fou qu’on avait en tête, qu’importe les balises imposées par sa source. Le film, divertissant au possible, est après tout régulièrement drôle, volontairement ou non (difficile d’en penser autrement quand Venom multiplie les vulgarités comme un « Hola bitches » bien lancé).
Comme quoi c’est un (Major) Tom Hardy complètement dévoué qui nous ramène sur terre en nous convaincant de son délire, se disant à lui-même que ce projet, il ne l’oubliera jamais, et du même coup, que nous ne l’oublierons pas non plus.
À noter que bien qu’on reste sceptique sur leur réelle signification quant à l’avenir de la franchise, que le générique de fin contient deux scènes cachées, comme dans le bon vieux temps.
6/10
Venom: The Last Dance prend l’affiche en salle dès jeudi le 24 octobre.