Récipiendaire du Grand prix de la Semaine de la Critique au plus récent Festival de Cannes, s’il y a bien une chose qu’on ne pensait pas retrouver avec le Simón de la montaña, de Frederico Luis, ce sont des similitudes avec le mégasuccès français Un p’tit truc en plus, d’Artus. Pourtant, le côté comédie grand public en moins, on y retrouve beaucoup de points en commun, au-delà de son traitement des personnes avec un handicap. Le tout dans le cadre d’un intrigant long-métrage incomplet, mais certainement fascinant.
Quel est le véritable fossé qui existe entre les personnes avec un handicap et celles qui n’en ont pas? Malgré toute la bienveillance, l’ouverture et l’attention possibles, est-ce qu’un véritable lien est possible ou est-ce qu’il y aura toujours un déséquilibre dans les relations?
Ce sont un peu plusieurs des différents questionnements que le film de Frederico Luis semble effleurer au passage dans ce long-métrage à fleur de peau, via une caméra aux limites vertigineuses qui y suit de très près la métamorphose indescriptible de son protagoniste Simón, jeune adulte de 21 ans, qui semble se perdre au détour lorsqu’il se lie d’amitié avec une bande de jeunes adultes handicapés, en se faisant passer pour « l’un des leurs ».
Pour ceux qui n’ont pas vu le film Un p’tit truc en plus, d’Artus, sorti plus tôt cette année et qui a multiplié les records en France, on y suivait un homme qui, aux côtés de son père criminel, se faisait passer comme d’une personne avec déficience dans un groupe de personnes handicapées en vacances à la montagne.
On y traçait un portrait tendre et humain en mettant l’accent sur ces personnes qui n’ont pas souvent la chance d’être montrées sous leur vrai jour, tout en insistant pour les représenter avec candeur et honnêteté, et non pas d’en faire un spectacle.
Ici, sous la gouverne de Pehuen Pedre (incarnant un personnage portant le même prénom), l’un des jeunes que le réalisateur a rencontré dans une classe d’art dramatique et avec qui il a collaboré précédemment, avec son acteur principal, Lorenzo Ferro, dans le court-métrage Cómo ser Pehuén Pedre, il tente de brouiller les pistes de la perception entre ce qu’on considère « normal », ce qui l’est vraiment et ce qui ne l’est pas.
Cette coproduction entre l’Argentine, le Chili et l’Uruguay tournée en 15 jours avec des moyens des plus modestes, puise sa mise en scène dans la simplicité et une petite tendance vers le documentaire, la majorité des interprètes non professionnels ajoutant au réalisme de l’ensemble. Sauf que son écriture, pas toujours précise ni entièrement dévouée, ramène la plupart du temps les spectateurs sur terre.
Là où le film finit par se distinguer et devenir plus énigmatique, mais également plus captivant, c’est dans l’étude psychologique qui se dessine sur son protagoniste qui semble se perdre dans le personnage qu’il a décidé d’incarner. La performance physique, mais aussi dévouée de Ferro aidant beaucoup, réussissant à exprimer de grandes choses dans son regard et dans ses non-dits.
De fait, les personnes avec handicap deviennent secondaires au récit et on déambule avec le personnage principal, sans trop savoir ce qu’il advient de lui. Est-il finalement handicapé? Est-il en train de le devenir? Est-ce qu’il se fait consumer par son personnage?
On comprendra rapidement que le long-métrage n’apportera que bien peu de réponses à nos questions et que plusieurs revirements plus forcés seront clairement là pour tirer les ficelles dramatiques du récit, mais on appréciera qu’on ait osé s’aventurer dans des territoires aussi ambitieux et risqués, surtout dans le contexte d’un premier film.
Simón de la montaña demeure un film respectable, incomplet certes, moyens obligent, mais qui a certainement assez d’avenues intéressantes pour justifier qu’on ait décidé d’oser développer le tout sur 95 minutes, plutôt que dans un autre court-métrage.
À noter que bien qu’ils étaient présents pour une période de questions et réponses, on trouve dommage que, contrairement à Cannes, il n’y avait pas d’interprètes pour faciliter le dialogue entre le public, le réalisateur Frederico Luis et son acteur principal Lorenzo Ferro, alors que tous démontraient beaucoup de difficultés à s’exprimer en anglais suivant une projection qui était pourtant sous-titrée uniquement en français.
7/10
Simón de la montaña a été vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal. Le film n’a présentement pas de distributeur au Québec ou en Amérique du Nord, donc il n’y a pas de sorties prévues pour l’instant.