Depuis une décennie, les applications et les services en ligne permettant d’obtenir des avances en argent et de prendre de l’avance sur sa prochaine paie ont proliféré; cependant, au dire du Center for Responsible Lending (CRL), les consommateurs ne sont pas au fait des véritables coûts et des dangers liés à de telles activités.
Dans un rapport intitulé A Loan Shark in Your Pocket: The Perils of Earned Wade Advance, l’organisation soutient que ces avances de fonds offertes par le monde de la finance numérique entraînent « des frais élevés pour des prêts de petite envergure, un risque croissant d’emprunter plus que les fonds disponibles, et de devoir réemprunter de chèque de paie en chèque de paie ».
De plus, affirment les auteurs du document, « les tendances en matière d’utilisation de ces services et les modèles de génération de revenus » des avances de fonds numériques « sont similaires à celles des emprunts sur le salaire traditionnels », mais avec des risques encore plus élevés « de se retrouver pris dans le piège de la dette en appuyant seulement sur quelques boutons de notre téléphone ».
Toujours selon le CRL, ce phénomène est particulièrement important aux États-Unis, où la réglementation en la matière est floue, et où les efforts de lobbying de la part de l’industrie sont très importants.
Le rapport lève le voile sur une tendance qui pourrait en inquiéter plusieurs: en effet, on y affirme que « pour plusieurs travailleurs, les avances sur la paie ne permettent pas de régler les problèmes de liquidité à court terme, mais enferment plutôt les utilisateurs dans un cycle d’endettement ».
On soutient ainsi qu’en fonction de données du Consumer Financial Protection Bureau, un organisme fédéral américain, un peu plus du quart des utilisateurs de tels services et applications numériques réclament au moins 25 avances par année. Et que, pour le tiers des utilisateurs, 80% des avances, voire davantage, étaient suivies d’un nouvel emprunt dans les deux semaines suivant le premier montant réclamé.
« Puisque plusieurs travailleurs sont payés selon un cycle de deux semaines, cela porte à croire que recevoir un chèque de paie réduit, en raison d’une avance sur salaire, nécessitait des emprunts supplémentaires au cours de la période de paie suivante », écrivent les auteurs du rapport.
« C’est comme cela que fonctionnent les emprunts sur salaire, la première avance étant reportée ou renouvelée à plusieurs reprises. »
Des frais payants
Et puisque les entreprises offrant ce genre de services réclament des frais pour obtenir les montants réclamés, ces compagnies « encaissent des profits allant de 99 cents à 25$ » par transaction, en fonction des sommes concernées.
« Plusieurs entreprises demandent aussi des pourboires pouvant atteindre 13$ par montant avancé », lit-on encore dans le rapport.
Au dire du CRL, qui s’appuie sur les divulgations obligatoires de compagnies d’avances sur la paie cotées en bourse, la majeure partie des revenus de ces dernières sont justement imputables aux frais et aux pourboires. Ainsi, pour Dave, l’une de ces entreprises, « 81% des revenus rapportés en 2023 sont liés aux frais et pourboires; sur des revenus de 259,1 millions de dollars, 152,5 millions proviennent de frais, et 59,9 millions sont des pourboires » versés par les utilisateurs.
« Et dans des déclarations publiques, une autre entreprise du même genre, EarnIn, a indiqué que les pourboires, à eux seuls, représentaient 40% de ses revenus. »
Le rapport mentionne d’ailleurs que « les utilisateurs ayant réclamé le plus d’avances sont ceux qui ont payé le plus de frais ».
Ainsi, toujours chez EarnIn, les utilisateurs les plus assidus – ceux qui réclament six avances ou plus par mois – représentent 22% de tous les clients, mais « ont payé 62% des frais et pourboires » liés aux services offerts par l’entreprise.
Comment combattre cette spirale de l’endettement? Le CRL demande aux législateurs de s’attaquer au modèle d’affaires même de ces compagnies, « qui s’appuient sur le besoin, pour le consommateur, d’avoir un accès immédiat à des fonds, ainsi que sur le manque à gagner créé par ces emprunts ».
« Comme les emprunts sur la paie, les avances numériques peuvent coincer les utilisateurs dans un cycle de réemprunt qui augmente leur détresse financière, tout en générant des revenus pour les compagnies », mentionne encore le rapport.
Pire encore, écrit le CRL, « notre analyse démontre que les usagers demandent des avances à chaque cycle de paie et se tournent vers plusieurs applications » pour ce faire.
L’une des solutions, pour « casser » ce cycle de l’endettement, consisterait à « obliger les entreprises à dévoiler le véritable taux d’intérêt des emprunts, qui comprendrait les frais et les pourboires ». « Il s’agit d’une étape importante pour protéger les consommateurs contre l’érosion de leur paie durement gagnée. »