D’un film d’horreur convenu plutôt banal au succès aussi inattendu qu’inespéré, le cinéaste Parker Flynn a fait de son Smile, lui-même librement adapté de son court-métrage Laura Hasn’t Slept à la demande de Paramount, une proposition grand public qui a su réjouir les amateurs d’horreur. Avec Smile 2, il redouble d’ambition avec un long-métrage en tout point supérieur à tout ce qu’il a fait auparavant.
D’une certaine manière, ce second volet, qui débute une semaine après la fin du précédent, réussit l’improbable en améliorant pratiquement tout ce qui clochait dans le premier film.
Ce dernier, sous ses airs d’une version cinématographique du Momo challenge, reprenait les éléments des nombreux Ringu et autres It Follows, où une entité maléfique hante une personne, ici par le biais d’hallucinations montrant principalement des gens qui sourient de manière inquiétante.
Bien qu’on base encore l’ensemble sur le thème très actuel, mais risqué, des détresses psychologiques, point de départ gagnant, accessible et rassembleur pour y développer l’horreur, on délaisse la psychopop à deux sous et on s’éloigne du ton plus sérieux des essais précédents pour se concentrer sur l’aspect ludique.
Un choix gagnant, car pour un Midsommar, on doit se taper d’innombrables productions de Blumhouse comme The Invisible Man, dont celles de Jeff Wadlow et ses exécrables Truth or Dare et autres Imaginary.
De fait, on embrasse à fond le côté carrément absurde, déjanté et souvent jouissif d’un tel univers, en n’ayant pas peur de foncer tête première dans beaucoup d’incongruités ou de moments complètement cinglés qui sont surtout faits pour nous divertir.
Cela se fait sentir rapidement dans les ruptures de ton, dans des touches d’humour d’un grand génie (est-ce qu’il y a de l’ADN dans le vomi?) et dans les performances particulièrement délirantes de sa distribution (Lukas Cage aura rarement été aussi drôle, et même si leur temps d’écran est limité, on savoure les apparitions de Peter Jacobson et Dylan Gelula).
Même dans ses séquences les plus angoissantes (et c’est probablement voulu), le film parvient à nous faire sourire de terreur, tellement la maîtrise de la mise en scène nous rive sur notre siège, mais nous amuse au même instant – c’est là la preuve d’un doigté impressionnant avouons-le, principalement dans une scène anthologique et cauchemardesque chorégraphiée avec brio, impliquant une bonne dizaine de figurants.
En jouant à outrance sur la notion du vrai et du faux, du réel, de l’imaginaire et du fantasmé, la proposition embrasse en totalité les possibilités du septième art et parvient avec plus de subtilités et de nuances à développer les tiques propres aux personnes vulnérables. Mieux, on parvient même à définir plus logiquement le concept de l’entité en prenant le parti pris parasitaire, qui devient du coup beaucoup plus logique et plus facile à digérer, sans non plus tomber dans trop d’explications qui en gâcheraient le plaisir.
Ce qui est encore plus épatant, c’est à quel point on rend bien l’univers des pop stars qu’on a décidé d’infiltrer (via la protagoniste, on se permet une critique douce-amère des hauts et des bas de la célébrité). Avec surprise, on dépeint le milieu avec un réalisme bluffant dont dans ses moments scéniques répliquant les grandes tournées qui par miracle ne ressemblent pas à un gala Méritas. De quoi montrer l’exemple aux nombreux Trap, Vox Lux et Marry Me de ce monde.
Dans le rôle-titre, la charismatique Naomi Scott, qui est une véritable chanteuse après tout, parvient avec dévotion à reprendre admirablement bien le flambeau des mains de la talentueuse Sosie Bacon, qui tenait la tête d’affiche dans le film précédent.
Certes, tout n’est pas parfait. On étire encore trop la sauce en dépassant la barre des deux heures, on abuse des jump-scares et des longs plans –souvent en plans séquences ou pan-scan qui allongent la tension, mais aussi plusieurs scènes qui auraient pu être écourtées, incluant une chicane en voiture, une tendance actuelle à en croire le précédent Longlegs et quelques autres, sauf que n’est pas Paranormal Activity 3 qui veut – et on a une manie à styliser un peu trop le tout avec une mise en scène d’une précision chirurgicale.
On a beau avoir fait appel à Ray Nicholson, qui semble faire écho aux mimiques de son père dans The Shining, on n’est quand même pas Kubrick non plus, même si on évite de trop tomber dans le symbolisme.
Pire, on place souvent trop les pions avec évidence (et les bouteilles d’eau Voss), ce qui ruine plusieurs surprises et empêche de donner du poids aux révélations qu’on a devinées bien longtemps d’avance, comme c’était aussi le cas dans le premier film.
Et si on est régulièrement épaté de la manière dont on a métamorphosé et agrandi l’univers, on ne va peut-être pas au bout de toutes ses idées qui semblent seulement s’en tenir à des clins d’oeil inutiles (vous risquez de penser à Flatliners, mais vous risquez aussi de vous demander si la référence était véritablement pertinente). Plusieurs coins coupés très rondement donneront peut-être du fil à retordre si vous vous mettez à y réfléchir trop longuement.
Cela dit, en refaisant équipe avec le directeur photo Charlie Sarroff, le monteur Elliott Greenberg et le compositeur Cristobal Tapia de Veer (connu ici pour la trame sonore de la télésérie québécoise Série noire, et internationalement pour l’inoubliable trame sonore de la télésérie The White Lotus), Finn permet à tout le monde d’élever ses propres standards et d’aller encore plus loin dans leurs explorations.
Enfin, Smile 2 est une proposition aussi satisfaisante que surprenante, car c’est une suite qui justifie rapidement sa raison d’être en faisant preuve d’une audace qui va au-delà de l’opportunisme, ou de seulement refaire la même chose, mais en plus gros (et en plus gore), le budget ayant pratiquement doublé.
C’est aussi une porte d’entrée fascinante en ce qui concerne les possibilités qui s’ouvrent pour la franchise (pensez à Cloverfield), le tout culminant en une finale aussi brillante qu’attendu nous faisant franchement espérer une suite. Le genre de choses qu’on ne dit certainement pas souvent.
7/10
Smile 2 prend l’affiche en salle ce vendredi 18 octobre.