Il aura fallu attendre 15 ans pour le grand retour au long-métrage du cinéaste d’animation Adam Elliot. Une attente prête à récompenser les plus patients, puisque ce Memoir of a Snail, fruit de près d’une décennie de travail, est une oeuvre magnifique réunissant tous les ingrédients dont lui seul a le secret, et certainement l’un des plus beaux films de l’année.
Injustement ignoré aux Oscars lors d’une année particulièrement forte, malgré le prix gagné précédemment par Elliot grâce à son court-métrage Harvie Krumpet, quiconque a vu le merveilleux Mary and Max en a gardé un souvenir précieux près de son coeur et de son esprit.
Le genre d’oeuvre qui, à l’instar des Up, Fantastic Mr. Fox et autres Coraline nommés à sa place, font encore jaser aujourd’hui.
Cela risque d’être encore le cas avec Memoir of a Snail qui s’est, comme son prédécesseur, aussi valu le prestigieux prix Cristal du meilleur long-métrage à Annecy, le réputé Festival du film d’animation. On lui souhaite toutefois plus de chance via les prestigieuses cérémonies de prix.
Dans la veine des Wallace and Gromit et autres Chicken Run, ces longs-métrages d’animation en stop-motion se distinguent parce qu’ils sont fait en pâte à modeler. Sauf que là où ses confrères européens visent davantage un public large et principalement jeune, Elliot n’a pas peur d’aller vers des territoires plus durs et douloureux. En s’adressant surtout aux adultes, il illustre la vie sans filtre dans ses bonheurs et ses malheurs avec une petite tendance pour l’inapproprié qui lui permet souvent ses touches d’humour les plus inattendues.
Disons que la raison pour laquelle un juge aurait perdu son titre ou le dévoilement précédant une rupture risque de faire grincer les dents de plus d’une personne, alors que d’autres n’auront d’autres choix que de rires aux éclats face à la stupéfaction. Soyez avertis que, si vous prenez la décision de le montrer à des enfants, vous aurez certainement besoin d’expliquer plusieurs choses, incluant ce que sont des échangistes!
Sauf qu’on craque parce que Elliot a une bienveillance d’une grande subtilité qui s’assure de toujours (ou presque) trouver la lumière dans la noirceur. Aussi, parce que ses réflexions, par moment philosophiques, touchent toujours leur cible avec énormément de justesse.
On retrouvera d’ailleurs à la fois sa touche, mais aussi ses thèmes en s’intéressant cette fois au destin d’un frère et d’une soeur au lien indestructible malgré les épreuves se plaçant sur leurs chemins. Une prémisse qui n’est pas sans rappeler celle inspirée d’une histoire vraie dans son précédent long-métrage, qui racontait l’amitié épistolaire entre une jeune fille australienne et un homme à New York atteint du syndrome d’Asperger.
Avec un intérêt marqué pour les imperfections, la solitude et la résilience, Elliot tisse une histoire d’une grande charge émotive, forte en surprise, qui multiplie les émotions de toutes sortes alors qu’on peut passer des rires aux larmes dans la même séquence.
Avec un désir d’utiliser des voix locales, le cinéaste a réuni des noms de grand calibre tel que Sarah Snook (très loin de son personnage de la télésérie Succession), Jacki Weaver (mémorable en excentrique Pinky), Kodi Smit-McPhee et Nick Cave. Son désir d’authenticité est également à nouveau respecté alors que si dans son dernier film le regretté Philip Seymour-Hoffman interprétait le rôle-titre de Max le New Yorkais, Dominique Pinon prête ici sa voix à Percy, le père français des deux enfants. Pinon étant surtout connu comme collaborateur régulier du cinéaste Jean-Pierre Jeune, remercié d’ailleurs dans le générique de fin.
Visuellement splendide, d’une tendresse marquante, épaulé à nouveaux aux images par Gerald Thompson et au montage par Bill Murphy, il est impossible de résister au soin maladif apporté aux détails et aux traits singuliers de son univers, apportant une dimension unique à ses personnages, mais aussi aux environnements, aux décors et aux accessoires.
L’apport de la somptueuse trame sonore orchestrale de Elena Kats-Chernin est également loin d’être négligeable.
Enfin, Memoir of a Snail est un pur bijou de créativité, un hymne à la vie essentiel et une oeuvre intemporelle qui risque de marquer autant le temps que les mémoires. Son désir de voir la vie du bon côté et d’accepter les obstacles de nos vies comme essentiels pour nous façonner pourrait sonner moralisateur, mais ce serait mal connaître Adam Elliot, qui a toute la subtilité requise pour faire passer tous ses messages avec brio. On en ressort charmé et on y repensera encore longtemps une fois le générique tombé.
9/10
Memoir of a Snail a été vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma à Montréal. Distribué par IFC Films et Métropole Films au Québec, sa sortie en salle est prévue pour le 8 novembre prochain.